Pour le meilleur...même pour le pire ?
Premier long de Derek Cianfrance - le Monsieur vient tout de même de confirmer les espoirs placés en lui avec son superbe "The place behind the pines", excusez du peu.
Un paquet de versions du scénario, réécrites au cours des années d'évolution de Cianfrance, en tant qu'"homme" plus qu'en tant que cinéaste en devenir.
6 ans d'écart entre les premières prises de Gosling, soit, dans le film, le temps de l'amour et de l'insousciance...
...et ses dernières prises donc, correspondant, elles, à la fin déchirante d'un couple que plus rien ne pourra sauver, pas même une dernière nuit "dévergondée" et sensée rallumer une ultime fois la flamme.
Pas de doute, y a plus de gaz, et donc plus d'espoir.
Le constat est sans appel: lorsque l'amour est, comme il l'est ici, en "phase terminale", il n'y a plus qu'à s'accrocher à ce qu'on peut trouver pour limiter la casse, tenter d'adoucir quelque peu cette lente agonie, si tant est que cela soit possible.
Si le film se complait parfois (souvent ?) dans sa noirceur, le parti pris de Cianfrance a au moins le mérite d'être d'une désarmante sincérité.
La première force de son "Blue Valentine", c'est que ce dernier est construit en forme d'allers-retours entre passé (tout va pour le mieux entre les deux tourtereaux, enfin tout du moins au début...) et présent (ça sent de plus en plus le sapin).
Et le spectateur de se demander ce qui a bien pû pourrir le fruit de cet amour à ce point.
Et de se demander comment il réagirait, confronté aux mêmes dilemmes sentimentaux déchirants.
Ce qui a semé "le ver dans le fruit" n'est rien d'autre que le destin, et il n'y a bien entendu rien à faire face à cette chose qu'on ne peut contrôler.
"Blue Valentine" est bien le mélo le plus intense et le plus flamboyant "vécu" au cinéma depuis "Leaving Las Vegas" de Mike Figgis.
Point commun entre ces deux films, la dévotion totale de leurs acteurs, totalement sublimés, possédés par leurs rôles.
Ici, Michelle Williams et Ryan Gosling ne jouent pas, ils SONT littéralement leurs personnages.
Ce qui a pour effet de décupler la puissance de chaque moment de tension, de chaque effleurement,de chaque baiser, de chaque "empoignade", de la moindre infime larme, du moindre moment de grâce, du moindre trait de mélancolie, de chaque "non-dit"...
Car il est clair ici que certains silences en disent beaucoup plus - trop ?? - que de longs discours.
"Blue Valentine" est de ces films qui laissent des traces, et pas forcémment les meilleures diront les âmes chagrines...
Mais pour peut que l'on accepte de se laisser emporter par l'incroyable puissance de ce sublime mélo mortifère, c'est à une expérience de cinéma ultime et rare que Derek Cianfrance, Ryan Gosling et Michelle Williams nous invitent.
La preuve qu'une certaine grâce peut aussi surgir des moments les plus désespérés.