L'amour comme on en voit pas au cinéma

[Spoilers]

Dean n'est pas écrivain. Cindy n'est pas styliste. Ils ne se rencontrent pas sous la neige à New York. Ils vont se disputer, mais pas se réconcilier.

D'habitude quand je sors du UGC des Halles et que, Rue Rambuteau, les mecs de WWF en tee-shirt bleu viennent me harceler, je fais semblant de tirer la tronche, et ils me laissent tranquille. En sortant de Blue Valentine, j'ai tracé tout droit, sans avoir à simuler. Car Blue Valentine est de ces films qui restent en vous après la séance. Un film pourtant tout bête.

Deux époques de la vie d'un couple sont opposées. L'insouciance des premiers moments côtoie sans cesse la lourdeur des derniers. C'est l'idée toute simple de ce film. Mettre en parallèle deux époques, jouer sur le contraste. Et ne pas ménager le spectateur. Quand ça se passe bien, ça ne se passe jamais trop bien, et quand ça se passe mal, ça finit par se passer très mal. La vie d'un couple, donc, ses blessures, ses moments de grâce, et surtout son incapacité à communiquer. Pas d'artifices, c'est brut, parfois glauque. On met un peu de temps à entrer dans cette ambiance, car le film n'est pas là pour nous mettre à l'aise, mais simplement pour nous montrer la vraie vie. C'est là, c'est comme ça, que ça nous plaise ou non. On ne nous demande pas d'être captivés et on n'utilise aucun artifice pour nous prendre par la main. C'est à prendre ou à laisser.

La force de Blue Valentine, c'est finalement sa fin terriblement prévisible. Derek Cianfrance commence son film par une scène qui est déjà annonciatrice de la fin, un événement anodin qui suffit à enrayer l'engrenage fragile d'un couple qui s'est construit dans la difficulté. Le mot rupture semble s'inscrire dans chaque plan, même dans les scènes les plus joyeuses, celles où le couple va encore bien, procurant une terrible mélancolie au spectateur.

Blue Valentine mêle le présent au passé, le sordide à la grâce (pas celle inaccessible de Tree of life. Celle, beaucoup plus simple, plus urbaine et moins prétentieuse d'une histoire d'amour comme on en voit tous les jours), dans chaque plan. Michelle Williams et Ryan Gosling sont excellents. Ce sont eux, si généreux, qui permettent au film d'être radin avec le spectateur, de ne rien lui concéder. Le film est comme ça. A donner et à reprendre, sans arrêt. A jouer avec sa structure binaire qui fait cohabiter les contraires. C'est tout bête, mais quand les regards sont complices et qu'ils se fuient dans la seconde d'après (quelques années plus tard dans le film), ça file un sacré cafard. La fin du film, elle aussi est comme ça : une séparation déchirante avec un feu d'artifice dans le ciel. C'est Blue Valentine : la joie et la tristesse qui cohabitent sans cesse. Et, au final, le chantier d'une vie à reprendre à zéro.
kernjoly
9
Écrit par

Créée

le 7 juil. 2011

Critique lue 822 fois

6 j'aime

2 commentaires

Kern Joly

Écrit par

Critique lue 822 fois

6
2

D'autres avis sur Blue Valentine

Blue Valentine
Torpenn
6

Michelle, au bas mot

Pruneau, grand fan de Michelle Williams m'emmène voir tous ses films voilà, c'est dit, d'ailleurs on recommence la semaine prochaine... Ce coup ci, c'est une histoire d'amour assez banale qu'on nous...

le 23 juin 2011

88 j'aime

21

Blue Valentine
Rawi
9

Mariage en mode mineur

Ce drame romantique est on ne peut plus simple quant à son scénario mais sa force se situe ailleurs. Un homme, une femme... un mariage, un enfant, la routine, une crise, ça sent le déjà vu une bonne...

Par

le 1 nov. 2012

75 j'aime

19

Blue Valentine
Clairette02
8

Avec le temps on n'aime plus.

A déconseiller aux âmes fleur bleue, à ceux et celles qui croient au prince charmant, à la femme parfaite, à l'amour éternel. Attention, ma critique peut comporter des spoilers. Blue Valentine est à...

le 8 févr. 2012

70 j'aime

15

Du même critique

Sleepers
kernjoly
7

Sleepers, un film de Yohan Gourcuff.

C'est l'histoire d'une bande de quatre garçons inséparables. Certains les appelleront des « ptits merdeux », mais en fait ces quatre là sont assez chouettes. Des bons ptits gars, avec à leur actif...

le 17 avr. 2011

47 j'aime

Precious
kernjoly
3

Les misérables - Part II

Parfois, la télé nous fait retomber sur des films qu'on a haïs. Et, comme pour se rappeler à quel point c'est détestable, on regarde à nouveau, avec la farouche volonté de témoigner : Précious est...

le 19 mars 2011

23 j'aime

Drive
kernjoly
9

Le guerrier silencieux

[Spoilers] Ryan Golsing a 3 compétences : il sait conduire, draguer la fille du film sans parler, et tuer des gens avec des marteaux. J'insiste sur le fait que Ryan est un mec qui conduit. Il ne...

le 13 oct. 2011

11 j'aime