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Lynch ne raconte pas : il suggère, distille et laisse éclater

Blue Velvet explore les abîmes de l’Amérique de banlieue, où l’idylle initiale, cadrée avec symétrie, dissimule un malaise latent. Cette perfection apparente se brise brutalement avec l’apparition d’une oreille putréfiée, comme un signe que la corruption gangrène déjà le cœur de ce décor. Lumberton devient alors le miroir cruel d’une Amérique post-seconde guerre mondiale, aveuglée par ses mythes d’optimisme et de pureté.

Ici, la narration se concentre sur Jeffrey Beaumont, un jeune homme d’une innocence en apparence immaculée, qui est attiré irrésistiblement vers Dorothy Vallens, chanteuse torturée, dont l’appartement baigne dans une lumière âpre et oppressante, contrastant avec la chaleur des autres domestiques.

Quant à l'antagoniste, Frank, avec son masque à oxygène, n’est pas un simple psychopathe, mais une bête humaine, un avatar de ce que Nietzsche et Freud décriraient comme l’explosion incontrôlée du chaos et de l’instinct. À ses côtés, Dorothy subit, résiste et est prisonnière de son emprise violente.

Blue Velvet est une descente dans le conflit entre le principe de plaisir et le principe de réalité, où Jeffrey découvre ses propres désirs, attiré et terrifié à la fois par ce monde de pulsions brutes.

Lynch sublime l'angoisse par la suggestion. La violence, souvent hors champ, devient insupportable dans ce qu'elle laisse entendre : les cris étouffés de Dorothy, entendus depuis le placard où Jeffrey se cache, deviennent insoutenables précisément parce qu’ils sont invisibles.

Lorsqu’elle est montrée, cette violence s'impose, nue et implacable, emprisonnant le spectateur dans une passivité terrifiée. La caméra fixe lors de l’agression de Dorothy ne coupe pas, ne bouge pas : elle contraint le spectateur à endurer, à ressentir l’impuissance brute face à l’horreur.

Blue Velvet joue avec les codes du film noir pour les tordre en une vision hallucinée. La quête du jeune détective amateur devient une plongée psychosexuelle dans une noirceur qui engloutit toute naïveté. Lynch ne raconte pas : il suggère, distille et laisse éclater. L’oreille décomposée devient le motif central de l’écoute d’un monde qu’on préfère ignorer, une plongée dans le bruit du refoulé.

cadreum
9
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il y a 1 jour

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