Suite d'un film parmi les plus marquants qu'il m'ait été donné de voir (toute qualité cinématographique mise de côté), Blues Brother 2000 divise l'opinion en deux : ceux qui se réjouissent d'une suite et ceux qui critiquent la baisse de qualité évidente de cet opus, allant jusqu'à parler de trahison. Ce terme n'est il pas trop fort ? Personnellement, je pense que non, car plusieurs éléments sont véritablement travestis dans ce film vis à vis du premier, cependant, soyons indulgent. Le scénario est clairement bancal, c'est l'évidence même, mais peut on reprocher cela au film ? Alors que justement cela entrait dans l'état d'esprit du premier. Certes, c'est franchement mal fichu, c'est le bordel, mais ça l'était déjà partiellement dans le premier. De la même manière, on ne peut trop s'attarder sur le talent des acteurs, le premier ayant déjà à souffrir ce petit problème technique.
Pour autant, je vais commencer la liste des défauts par le scénario. Il manque de but, de direction, tout ce qui est autour est aussi déjanté que dans le premier, mais ici on a pas un sens où aller. Le concert de fin apparaît déjà comme une fin en soi alors que dans le premier film, le but (sauver l'orphelinat) était clairement défini comme un moteur à part entière. Du coup, on sait pas très bien où le film se dirige.
Ce sentiment est renforcé par une narration fouillie, donnant le sentiment d'un premier quart du film sacrifié sur l'autel du plaisir. Plaisir dans tous les sens puisque c'est dans un strip-club. Ces scènes, bien qu'agréables, sont trop stagnantes pour apporter réellement quelque chose au film. L'idée n'était pas mauvaise pour autant, mais aller à l'opposé de l'esprit du film.
Enfin, grosse faute scénaristique : l'ajout de magie. Je vous jure, on a le droit à de la magie : miracle divin, zombification, transformation en rats. Rien ne nous aura été épargné. Ca peut sembler un détail tant nous devons déjà être tolérant à la base, mais clairement on trouve cela inapproprié.
Le vrai défaut du film est le changement de ton. Non, nous n'avons pas le même esprit que dans le premier film car de nombreux changements ont été effectués au niveau de l'humour. Jake est mort (notre regretté John Belushi), du coup c'est à Elwood (Dan Aykroyd) de tenir tout le film. Malheureusement le chasseur de fantôme échoue totalement. Outre son vieillissement physique (et la voix aussi), c'est surtout sa personnalité qui est passé au mixer. Adieu le côté sombre, intimidant, silencieux, pince-sans-rire. Les nouveaux Blues Brothers sont bavards au possible ! Que ça soit lui, John Goodman, Joe Morton ou le jeune Evan Bonifant (que je n'ai pas trouvé du tout attachant, le personnage aurait mérité d'être plus travaillé), aucun des 4 Blues Brothers ne parvient à restituer l'état d'esprit de Jake et Elwood. Ce qui est horrible quand on songe que ce-dernier était quand même à l'origine de ce projet ! Elwood est désormais un clown, cet humour facile et bateau devient vite fade. Résultat, en plus de trahir l'esprit original, on perd en humour.
De manière général le film est beaucoup moins drôle, certes quelques références parviennent à faire rire, mais au final, on perd beaucoup à cause du côté "artificiel" des éléments. Les russes et les néo-nazis ainsi que les courses poursuites sonnent faux car prévus mais jamais intégrés correctement dans l'histoire. L'ultime carambolage apparaît comme totalement injustifié et injustifiable d'ailleurs.
Pour autant, ce n'est pas non plus ennuyeux, on sourit quelques fois et on peut avoir un rire ou deux, mais c'est vrais qu'on a beaucoup perdu. Clairement, il respire dans le film un côté "comédie pour enfants avec délire de cirque". La scène où Elwood est caché DANS la voiture (la bouche sortant du cendrier) est révélateur du problème humoristique. Autre exemple de cette baisse humoristique : les running gags qui sont carrément lourds. Par exemple, Elwood a toujours SA technique pour se garer, la première fois c'est drôle ... Mais après ils le font tellement souvent que ça en devient exaspérant. Comme si on devait rire à chaque fois ...
Bon, ok le scénario est nul, on a compris, mais au moins on s'ennuie pas trop non plus. L'humour n'est plus autant au rendez-vous qu'avant, mais on garde quelques petits trucs fun. Mais ce que vous voulez savoir c'est ... La musique ?
Et bien là aussi, grosse déception ! Alors, pour être honnête, j'ai mis 2 points pour celle-ci, sachant que dans le précédent volet, 4 points étaient uniquement pour elle. Un Blues Brothers doit forcément avoir de la bonne musique, du blues ! C'est le cas ici, et la bande-son de manière générale est toujours très agréable. Cependant, on a un peu le sentiment d'avoir du moins bon, notamment par l'aspect identique du traitement. Il n'y a pas de surprise, on dirait des auto-plagiats (morceau du Révérend, Aretha Franklin qui chante pour son mari, les Blues Brother forcé de faire un morceau plutôt country, et un final bien blues). D'autant plus que bien souvent, on sent une baisse, les musiciens et les chanteurs vieillissent et ça se ressent.
Respect d'Aretha Franklin ne m'a absolument pas convaincu personnellement. Le final (Turn on your Love Light) m'a laissé totalement de glace, c'est froid et triste à souhait, rien n'est communiqué. Quelques pistes dans le fond sont sympas, quelques uns sont moyennes. Heureusement, on a quelques bonnes surprises avec Jon the Revelator, Funky Nassau (qui m'a fait découvrir la fantastique Erykah Badu), Looking for a Fox et 634-5789 (piste très fun).
Enfin, on a surtout le droit à un superband de malade, composé de 22 musiciens de renommés mondiales, des hommes et des femmes qui ont façonné la musique. Leurs simples présences montrent à quel point le premier Blues Brother avait été légendaire. On retiendra dans ce super-band Isaac Hayes, Joshua Redman, Jimmie Vaughan et bien sur, Eric Clapton, le plus mis en avant après le meneur, BB King him-self ! C'est évidemment très impressionnant, mais au final, leur morceau How Blue Can You Get est un des plus mauvais. En effet, il apparaît comme une suite de mini-solo, très court, trop à la suite pour être appréciés. C'est une démonstration anarchique du talent de plusieurs personnes. On ne sait si on peut l'apprécier ou si on doit subir ce qui partait d'une bonne idée.
Résumons nous : on a un scénario assez mauvais, avec une narration moyenne, malgré qu'on garde quelques bonnes pistes (mais évidentes, car tirées du premier film). On a un casting de folie bien sur, mais un manque évident d'humour qui n'empêchera pas quelques rires de naître. On a une bande-son nettement moins bonne que le premier volet, mais d'une assez bonne qualité, certes prévisible elle offre malgré tout quelques perles. La qualité sonore est surtout présente (rien qu'entendre le touché à la basse de Mr. Duck est un régal).
Allez, emballé c'est pesé, c'est pas l'immondice qu'on veut nous faire croire mais nous somme loin du génie du premier volet.