BOGOTA : LE FILM DES PEINES PERDUES
Kim Seong-je, scénariste de l'honorable Blood Rain (Kim Dae-seung, 2005) et réalisateur du beaucoup moins convaincant The Unfair (aka Minority Opinion, 2015), nourrissait depuis longtemps l’ambition...
hier
Voir le film
Kim Seong-je, scénariste de l'honorable Blood Rain (Kim Dae-seung, 2005) et réalisateur du beaucoup moins convaincant The Unfair (aka Minority Opinion, 2015), nourrissait depuis longtemps l’ambition de concevoir une grande saga familiale coréenne mêlant drame, thriller et crime. Avec Bogota, il s’attelle à raconter l’histoire d’une famille coréenne ruinée par la crise financière de 1997, tentant de reconstruire sa vie en Colombie. Très vite, le fils s’éloigne du droit chemin, non pas sous l’emprise de la drogue, mais en se lançant dans une activité de contrebande… dont je vous laisserai découvrir la nature.
Kim Seong-je a obtenu l’autorisation exceptionnelle de tourner en Colombie et à Bogota et s’est assuré la présence de la vedette Song Joong-ki. Révélé dès 2008 dans Frozen Flower, l’acteur s’est imposé progressivement avec des films comme A Werewolf Boy (2012), Battleship Island (2017), Space Sweepers (2020) et Hopeless (2023), sans oublier son rôle culte dans le k-drama Vincenzo (2021). D’ailleurs, Song Joong-ki semble développer un attrait pour les rôles exigeant la maîtrise d’autres langues : après avoir baragouiné en italien dans Vincenzo, il s’essaye cette fois à l’espagnol pour renforcer la crédibilité de son personnage. Une crédibilité toutefois mise à mal…car, malgré son joli minois, il est tout de même difficile de le prendre au sérieux dans la peau d’un jeune homme de 19 ans dans la première partie du film – surtout à l’approche de la quarantaine.
D’ailleurs, rien – ou presque – ne fonctionne dans le film. Si Song Joong-ki peine à convaincre dans la première partie, compliquant ainsi l’identification du spectateur, Lee Hee-jun ne s’en sort guère mieux, cabotinant à outrance sous son imposante moustache sud-américaine. Sur le fond, Kim Seong-je contourne habilement la question délicate des cartels de drogue pour se concentrer sur une autre activité illégale, qui aurait pu s’avérer intéressante… si elle n’était pas d’abord abordée sur un ton franchement comique dans toute la première partie. Un choix qui affaiblit considérablement l’impact de la seconde partie, plus sombre et sérieuse, en compromettant sa crédibilité.
Le traitement du sujet frôle d’ailleurs la caricature lorsqu’il s’agit de la Colombie et de ses habitants. Soit ils sont curieusement absents, dans des rues de Bogota habituellement bouillonnantes, mais ici étrangement désertées, soit ils sont réduits à des figures d’assassins, de criminels ou de policiers corrompus. Et pour couronner le tout, malgré quelques rares inserts dignes d’une carte postale, Kim Seong-je – pourtant premier cinéaste coréen à tourner en Colombie – échoue totalement à capturer la splendeur de la ville et du pays. Au lieu de saisir la richesse visuelle et l’âme de Bogota, il se contente d’une succession de plans génériques et sans relief. Un véritable gâchis.
J’ai évoqué à plusieurs reprises en 2024 sur mon compte FB Hallyuwood le cas étrange de Bogota : malgré un tournage achevé en octobre 2021, la production et la distribution ont constamment justifié les reports de sortie en invoquant une post-production interminable. À moins d’avoir eu à peaufiner la moustache irritante de Lee Hee-jun, difficile de comprendre ce qui aurait nécessité autant de temps… Bref, les reports incessants n'auguraient rien de bon et j’ai pu malheureusement vérifier mes doutes en accédant à une version en preview l’été 2024. L'accueil glacial au Festival de Busan en octobre semblait définitivement sceller le sort du film, avant la soudaine annonce-surprise d'une sortie programmée le 31 décembre pour tenter de contrer celle de Firefighters et Harbin.
J'avais fait part de mes doutes d'un quelconque succès, pourtant, je ne m’attendais pas à un tel naufrage : avec moins de 400 000 spectateurs en un mois, les producteurs ont rapidement négocié une sortie sur Netflix, tentant ainsi de capitaliser sur l’actualité cinématographique coréenne et de récupérer une partie de leur investissement initial.
Un joli coup de pub pour Netflix, qui s’offre un film coréen tout frais, acheté sûrement beaucoup trop cher, mais tout de même largement inférieur à son coût réel. Une opération marketing réussie, sans doute, mais surtout une nouvelle démonstration accablante de l’incapacité des studios coréens à retrouver le chemin du succès. Et c’est surtout une nouvelle preuve accablante que tout ce qui est coréen sur la célèbre plateforme n’est pas forcément synonyme de qualité… bien au contraire : au lieu de classiques signés Bong Joon-ho, Park Chan-wook, Lee Chang-dong ou Kim Jee-woon, le spectateur lambda se retrouve face à des "produits" bradés comme Bogota ou des infames autoproductions à gros cahier de charges comme Ballerina ou Badland Hunters…dont cinéphiles comme spectateurs moins avertis ne peuvent qu’être déçus. Ce qui devrait, à plus ou moins long terme, se révéler assez, là aussi, assez désastreux pour la belle reconnaissance du cinéma coréen des deux dernières décennies...
Créée
hier
Critique lue 8 fois
D'autres avis sur Bogota: City of the Lost
Kim Seong-je, scénariste de l'honorable Blood Rain (Kim Dae-seung, 2005) et réalisateur du beaucoup moins convaincant The Unfair (aka Minority Opinion, 2015), nourrissait depuis longtemps l’ambition...
hier
C'est bien monté même si le sujet a déjà été traité. La rivalité, la connivence, la compromission entre natifs colombiens et immigrés dans la pègre donne à l'histoire un piquant supplémentaire. le...
Par
il y a 4 jours
Je me suis tellement ennuyé pendant une heure en essayant de m'intéresser à ce film que j'ai préféré laisser tomber ! Sachez que dans ce film on fait du trafic de petites culottes et de doudounes, ce...
Par
il y a 5 jours
Du même critique
INU-OH, c’est un mille-feuilles. Pas le modèle classique avec la pâte feuilletée, en six étapes de pliages en trois, composée de 729 paires de feuillets…non, carrément la verrsion André Guillot, en...
le 18 nov. 2022
33 j'aime
5
Ça tourne à Séoul, dixième long-métrage de Kim Jee-woon (J’ai rencontré le Diable) signe le retour du réalisateur à la comédie pour la première fois depuis les débuts de sa carrière. Cette satire sur...
le 27 oct. 2023
24 j'aime
8
SPOILER – LECTURE DU FILM ATTENTION – ne lisez SURTOUT pas cette « lecture » du film avant de l’avoir vu. Ceci est une interprétation toute personnelle – je n’impose aucune lecture à aucun film,...
le 2 juin 2016
19 j'aime
4