We will mock you
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le 25 janv. 2019
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J'étais venu pour passer (au mieux) un bon moment. Et je n'ai pas été déçu.
Bohemian Rhapsody n'est pas à regarder comme un documentaire sur la vie de Freddie Mercury. Si la légende qu'était l'homme sur scène fut également partouzeur proactif et gros consommateur de drogues dans sa vie privée, tant pis/tant mieux pour lui ; ce n'est pas ce que vous verrez dans le film. Ne vous attendez pas non plus à assister à une reconstitution d'un concert de Queen (à ce compte-là, autant se revoir les lives de Wembley 1984 et 1986...).
Le film de Bryan Singer se regarde d'avantage comme une performance artistique. Performance d'acteurs tout d'abord, avec Rami Malek en tête : malgré un physique qualifié de "trop malingre" par certains, et surtout une prothèse dentaire difficile à louper, le jeune acteur incarne un Freddie Mercury presque aussi vrai que nature, son énergie et ses mimiques finissant par se confondre totalement avec ceux du chanteur - surtout au point d'orgue du film. Certes, il n'assure pas les parties chantées (la voix que l'on entend, hors playback, est celle du véritable musicien Marc Martel), mais physiquement, le jeune acteur Égyptien s'en tire plus que bien et en impose, ce qui n'était franchement pas gagné d'avance. Bravo à lui.
Ses collègues sont loin d'être en reste : Gwilym Lee partage une ressemblance physique bluffante avec Brian May, Joseph Mazzello joue un John Deacon hilarant de flegmatisme et de répartie (dire que le morveux dont on se souvient tous pour avoir manqué de se faire becter par un T-Rex sous une bagnole en 1993, c'était lui !), et surtout mention toute spéciale à Ben Hardy, qui dans la peau d'un Roger Taylor émotif et égocentrique, fait montre d'un talent et d'une justesse insoupçonnés (il faut dire qu'X-Men Apocalypse n'aidait en cela pas beaucoup).
Ainsi, l'on craignait que le film se concentre exclusivement sur Mercury au point d'en oublier le groupe qui mérite tout autant sa renommée ; il n'en est rien, bien au contraire. Le charme opère le plus lorsque les quatre interprètes principaux sont présents à l'écran. La séquence de la composition du chef d'oeuvre qui donne son nom au film est à la fois épique et hilarante, de même que celle où les membres du groupe se disputent pour savoir laquelle de leurs chansons est la meilleure. Et que dire des scènes d'enregistrement en studio où leur géniale inspiration donne naissance à quelques autres de leurs tubes les plus connus, dont We will Rock You et Another One Bites the Dust (que l'on retiendra comme le moment le plus jouissif de tous).
La seconde performance est d'ordre technique, et le nom à retenir ici est celui de Newton Thomas Sigel ; celui-là même qui avait dirigé la photographie sublime de Drive livre ici des images dont on se souviendra, ne serait-ce que lors de la scène finale (émotions garanties !). Du côté des rôles secondaires, on notera également une Lucy Boynton plus que naturelle en Mary Austin, un Aidan Gillen enfin capable de jouer autre chose que Littlefinger, un Tom Hollander débonnaire et surtout un Mike Myers méconnaissable qui se paye le luxe de s'auto-référencer à un moment :
RAY FOSTER : - Bohemian Rhapsody n'est pas le genre de musique que les jeunes écouteront dans leur voiture.
MOI : - Ça n'avait pas l'air de te gêner dans Wayne's World, pourtant...
Sans oublier Allen Leech (vu dans Imitation Game) et Aaron McCusker, amants et compagnons consécutifs de Mercury, l'un machiavélique, l'autre bienveillant.
Pour ce qui est du scénario, attendez-vous à un biopic sans grandes surprises. L'histoire de Queen est racontée dans les grandes lignes, la vie de Mercury aussi, sans prendre la peine de s'attarder sur son côté le plus torturé (son addiction aux drogues n'est que suggérée, son homosexualité très vite dédramatisée). Pour ma part c'est très bien ainsi, on ne voit pas le temps passer et on ne manque pas d'être ému lors des passages les plus touchants (comme lorsque le chanteur apprend aux autres membres du groupe qu'il est atteint du Sida, ou qu'un fan malade le reconnait dans l'hôpital où il se fait diagnostiquer).
Certains regretteront peut-être le manque d'un traitement plus personnel et approfondi, ou d'un grain de folie supplémentaire qui aurait pu propulser le film au rang des meilleurs de l'année (ceci découlant sans doute d'un tournage chaotique et du renvoi de Bryan Singer, remplacé à la dernière minute par Dexter Fletcher). Mais somme toute, le Bohemian Rhapsody qu'on a sous les yeux respecte avec brio les termes de son contrat, à savoir nous mettre à la portée d'un groupe de légende dont on croyait tout savoir, et surtout nous en mettre plein la vue. Un travail qui ne parvient qu'à effleurer la réalité du bout du doigt, au mieux à l'imiter. Mais un travail dont la qualité ne peut laisser indifférent.
(On aurait tout de même bien aimé voir ce qu'aurait donné une version avec Sacha Baron Cohen...)
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Créée
le 5 nov. 2018
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