Cette phrase, que l'on découvre dans le générique de fin, montre l'ambition que Anne Fontaine s'est fixée dans ce film, à savoir exposer la genèse particulièrement difficile de cette œuvre majeure, non seulement la plus célèbre du compositeur Ravel, mais quasiment pour l'ensemble de la musique classique produite jusqu'aux années 1930 !
Pour autant ce quasi Biopic sur ce grand musicien est-il une grande réussite ? Je dirais oui mais...
S'inspirant principalement de la biographie réputée de Marcel Marnat, que Anne Fontaine a eu la chance de rencontrer, la réalisatrice voit grand sur une période étendue de 1903 à 1937, ce qui en fait un film long (2h), manquant par moment de rythme et avec une ambiance souvent sombre : pourquoi nous montrer Ravel pendant la guerre de 14, pourquoi de si longs moments de flashback avec sa mère, pourquoi aller jusqu'à la fin de la vie du compositeur ? En effet le titre du film nous fait attendre avec impatience la dramaturgie autour de l'écriture du fameux Boléro, en 1928, qui en elle-même est particulièrement réussie.
Dans le film, on aime aussi beaucoup sa tournée américaine, qui témoigne de sa réputation outre-Atlantique dans les années 20. La France artistique et culturelle de ces années folles est également très bien rendue.
Bien sûr Anne Fontaine a la volonté de nous dresser un portrait fidèle de ce musicien solitaire mais plein de bonté, entièrement voué à la musique (son seul amour ?), et de ses difficultés d'inspiration. Ravel est un homme physiquement sec, maigre et raide, personnage que porte avec sérieux et une grande fidélité Raphaël Personnaz, qui a perdu 10 kilos pour le rôle, et qui joue de ses mains 80% des morceaux du film dans lesquels il est impliqué !
La vraie réussite du film est l'angle qui est pris autour de la relation très proche, voire romancée, entre Maurice et Misia Sert, cette pianiste, mécène, égérie, proche de musiciens, de poètes et de peintres, que l'on voit d'ailleurs dans le récent film Bonnard Pierre et Marthe de Martin Provost, jouée par Anouck Grimbert sous un jour totalement différent.
Misia Sert est ici campée par une Doria Thillier lumineuse, sincère et amoureuse (vue récemment dans Une affaire d'honneur de et avec Vincent Perez que l'on voit aussi ici jouer le rôle secondaire du frère de Misia).
Misia semble être de tous les instants avec le compositeur, le supportant avec force après ses 5 échecs au Prix de Rome, et l'accompagnant sans faille dans la longue et douloureuse gestation du fameux Boléro.
Anne Fontaine réussit à tourner une partie des scènes majeures au Belvédère à Monfort-l'Amaury, la vraie maison de l'artiste, achetée en 1921, et qu'il avait conçue pour y travailler, c'est très bien vu !
L'autre personnage important du film est celui de Ida Rubinstein, cette danseuse et riche mécène d'origine russe, qui exige de Ravel en 1927 la musique de son prochain ballet. Incarnée par une Jeanne Balibar juste, tenace et sévère dans le rôle, Ida bataille avec lui sur la genèse du Boléro et sa chorégraphie.
La scène finale, représentant cette immense musique à ballet, jouée par un orchestre et un danseur moderne qui virevolte autour, est assez exceptionnelle pour montrer l'universalité de l'œuvre !
En synthèse un bon film peut-être trop ambitieux dans sa couverture de la vie de Ravel et porté par un excellent duo, très bien dirigé, Raphaël Personnaz/Doria Thillier, et pas réservé aux amateurs de musique classique, même si ces derniers seront plus à l'aise ! A voir sans hésitation.