Une vague de pets chez un 'maître' japonais réfrigérant, ça pourrait être perturbant. Bonjour est très expressif et agité pour un Ozu, c'est probablement son opus le plus facile pour n'importe quel spectateur, peut être aussi le moins percutant et enrichissant. Cet écho aux Gosses de Tokyo dénonce doucement les excès de conformismes, de phrases toutes-prêtes et les affections systématiques entre voisins et connaissances. Il semble prendre le parti des enfants réclamant la télévision, en tout cas légitime leur grève de la parole généralisée (qui suscitera la colère des professeurs).
La modernité secoue les familles et engendre une mutation souvent négligée : l'épanouissement de la légèreté. L'obsession de ses devoirs sociaux et familiaux, l'abnégation en toutes circonstances, le calme dans l'espace public : tout cela reste la règle mais la mode le compromet ! Un boulevard s'ouvre donc à la comédie, où s'engouffre alors Ozu (à quand Mizoguchi au script des Bronzés font du ski ?) ; et pour une fois qu'il y va, va y aller carrément. Malheureusement à la lenteur globale qui fait sa signature se substitue une lenteur d'esprit en tous degrés. Le film s'étale sur des motifs d'ironie insignifiants, l'écriture rabâche sur les banalités (comme souvent chez Ozu) et la famille (comme presque toujours) des réflexions simplistes. La forte conscience de la continuité, de la fuite du temps, de la nécessité de s'avancer et se placer, imprègne la mise en scène mais pas le propos et relativement peu le scénario.
Ozu ressemble à un vieux monsieur propret essayant de faire le pitre, c'est tellement inadapté que la gêne elle-même ne peut germer. Il sait toutefois mettre son programme dans l'air du temps, ce qui vu son sujet est particulièrement nourrissant. La musique de Toshirō Mayuzami (de loin le meilleur atout du film) illustre autrement le déluge occidental emportant le Japon, en plus de ses outils de progrès (technique) qui sont au cœur de l'attention des (jeunes) populations. Les conflits de génération sont étendus grâce à la présence d'une grand-mère acariâtre et à un réseau d'adultes lui-même divisé entre les plus jeunes dans l'acceptation et les plus mûrs dans la suspicion ou l'incompréhension. Un humour gentil et régressif cible les petits vices de chacun, toujours dans un étiage rassurant. La trajectoire de Fukui (Keiji Sada) est la plus intéressante car c'est le seul personnage sans portrait monolithique – et celui qui tend le mieux à s'abstraire. Les commentateurs, généralement laudateurs, rapprochent souvent cet Ozu atypique au cinéma de Jacques Tati.
https://zogarok.wordpress.com/2017/06/03/bonjour-ozu/