Un des films les plus vieux de Guitry que je vois, sa première fiction, son second long-métrage, et c'est très drôle de le retrouver dans une comédie aussi légère que sophistiquée, comme inspiré d'un Lubitsch assaisonné à la gouaille française, avec sa pléthore de dialogues très inspirés (un peu trop omniprésents par moments) et sa liberté de parole assez folle — si l'on songe au fait que le code Hays a commencé à être appliqué de manière stricte l'année précédant la sortie de "Bonne chance !".
Guitry assume entièrement la tonalité du film, partagée entre le cabotinage constant de son personnage de petit peintre sans le sou (et sans grand talent) et les marivaudages incessants entrepris avec sa jolie voisine. Tout se déroule sous le signe de la jubilation et des plaisirs, c'est très envoûtant, comme s'il avait souhaité filmer un état de grâce amoureux chez ce séducteur baratineur subjugué par les charmes de cette jeune blanchisseuse à qui lui faire la cour revient à multiplier sans fin les mots d'esprit et les allusions grivoises toutes mignonnes. Un ressort comique porte sur le contraste que cet homme forme avec celui qui est censé être le prétendant, flanqué par la mère, et tout sauf appréciable ou bienveillant.
Tout part d'un "bonne chance", lancé dans la rue, donnant l'envie d'acheter un billet de loterie, de partager les gains potentiels. Point de départ, puisqu'ils gagnent évidemment, d'une chance dense lorsque les deux amants sont réunis, alors qu'ils se lancent dans un grand voyage pour dilapider gaiement cet argent en comptant les quelques jours qui les séparent du mariage arrangé malheureux. À partir de là, on nage en pleine ode au bonheur oisif loin des tracas citadins, très loin des pensées du mari promis et de ses horreurs ("une femme c'est fait pour ranger la maison, torcher les enfants et obéir à son mari"). Guitry se régale de nourrir la comédie d'un air subversif, avec un jeu lié à un faux inceste et autour d'un adultère consommé. Il faut aimer cet air badin et exalté, mais ce bonheur simple comme boussole m'aura ravi.