-Oh !
-C’est vous ?
-Oui c’est moi.
-C’est vous qui me regardiez ainsi. C’est honteux ! Vous avez rendez-vous avec moi et vous regardez une autre femme.
-Cette femme c’est vous.
-Oui mais vous ne le saviez pas. C’est indigne !
-J’en conviens mais écoutez, c’est pas ma faute à moi si vous êtes mieux que vous.
-Moi je ne vous ai pas regardé.
-Ça prouve simplement que je suis moins bien que moi.
Je n’ai jamais vu une comédie d’une telle sorte. J’ai été agréablement surprise de découvrir ce film, Bonne chance !, de Sacha Guitry et Fernand Rivers, sorti en 1935, et que j’ai pu visualiser grâce au cinéma de minuit, sur france.tv.
L’intrigue est merveilleusement bien menée. Un vieux peintre nommé Claude (pas si vieux que cela) souhaite bonne chance à une jeune femme, sa voisine Marie, ce qui a pour effet de lui porter chance. Par la suite, la jeune femme superstitieuse achète le dernier billet de loterie et demande au vieil homme de partager la récompense si jamais elle gagne, pour pouvoir encore lui porter chance. Claude n’accepte sa part qu’à condition de dépenser cet argent pour Marie. Son fiancé, qu’elle n’aime pas, étant parti pour sa période militaire pour une durée de treize jours, Claude et Marie décident de partir en voyage et de revenir pour le jour du mariage.
Contrairement aux comédies romantiques auxquelles nous sommes habitués aujourd’hui, la fin n’est pas tout de suite devinable car le film propose trois dénouements possibles au fil de l’intrigue. Même si on peut avoir une idée du dénouement final le suspense nous tient jusqu’au bout.
Cette comédie est un film qui parle de relation homme femme avec deux visions très différentes. Ces différences sont d’ailleurs accentuées par le fait qu’elles soient mises en parallèles, où d’un côté on voit apparaître à l’écran Claude et Marie, et de l’autre Gaston (le fiancé de Marie) et une autre femme. D’abord, la première vision des relations homme femme que nous voyons est celle de Gaston, lorsqu’il demande la main de Marie. Pour lui, une femme est une chose qui doit faire la cuisine, le ménage, faire des enfants et s’en occuper et surtout prendre soin de l’homme, donc de lui. Et pourtant on ne peut pas lui en vouloir (quoique) car c’est une vision en adéquation avec les années 1930. Mais c’est tout de même là qu’on voit la différence flagrante entre les valeurs des personnages masculins du film car Claude est en total contradiction avec ce point de vue. Pour Claude, un homme doit offrir des cadeaux à une femme, la respecter, la faire rêver, lui faire plaisir avec quelques surprises, lui demander ce qu’elle préfère et ne pas lui imposer. Ce n’est même pas une question de devoir, tout ce fait très naturellement. C’est plutôt une question d’être et c’est aussi le fait d’aimer.
Ce film parle aussi de la différence d’âge dans les relations amoureuses. Il y a d’ailleurs une très belle réplique de Sacha Guitry à ce sujet :
Ça ne se voit peut-être pas encore mais si vous preniez la peine de descendre avec une petite échelle de soie dans mon cœur, vous verriez qu’il a le même âge que vous.
Les deux personnages principaux, Claude et Marie, interprétés par Sacha Guitry et Jacqueline Delubac, sont très attachants. Dès les premières secondes une grande complicité se dégage du duo. On a parfois l’impression d’observer deux enfants s’amuser. Je repense surtout à une scène du début où chacun fait une grimace lors de l’énumération des plats, au restaurant, pour savoir ce qu’ils vont commander. Ils dégagent toujours tant de légèreté qu’ils nous partage leur bonheur et leur joie.
Ce qui est également plaisant avec ces deux personnages ce sont les dialogues, où se cache souvent de la séduction et de l’attraction sexuel sans que cela ne soit dit explicitement, ou plutôt les deux s’amusent encore et toujours à se chercher. On voit surtout dans ces dialogues et les gestuels de Claude et Marie leur bonheur qui les rends peut-être un peu fous aux yeux des autres.
Pour résumer ce film est donc une comédie romantique très agréable comme on en fait plus, avec des personnages s’amusant comme des enfants. En tout cas ce film m’a donné envie de continuer de découvrir la filmographie de Sacha Guitry. J’espère que vous saurez apprécier ce film au moins autant que j’ai pu l’aimer.