Jour de la Première du film au Festival de Deauville, 11h30, Bonnie Timmermann, une petite dame d'un âge certain, monte doucement les marches de la scène d'où elle prend timidement le micro : "Je ne sais pas pourquoi on a fait un film sur moi, je n'ai fait que mon travail, bien, j'espère... Oh je suis désolée d'avance si à l'écran je suis ch**nte." De notre côté, non seulement on a eu d'emblée beaucoup de sympathie pour la modestie de la Dame, mais quand le documentaire a commencé, on a vite décidé de noter cette séance d'une pierre blanche, comme étant celle où l'on a découvert le mastodonte du cinéma derrière 90% du Hollywood de l'âge d'or. Rien que ça. C'est bien simple, Bonnie a découvert tous les talents qui sont aujourd'hui des noms qui font saliver n'importe quel cinéphile, et la liste est sidérante (le mot est faible). Sigourney Weaver, c'est elle. Bruce Willis, c'est elle. Mark Ruffalo, Benicio Del Toro, Natalie Portman, Glenn Close, Meryl Streep, Christopher Walken, Ben Stiller, Liam Neeson, Scarlett Johanson, Julia Roberts, Helena Bonham Carter... On reprend notre souffle. Il en manque tellement, pensez seulement que si vous avez un acteur fétiche entre les années 70 et fin 2000, vous le devez certainement à Bonnie, qui l'a sorti de la rue, du métro, de derrière un bar à cocktails (Bruce Willis, alors petit barman, qui lui envoie un avion en papier entre deux créations de cocktails, on ne s'en remet toujours pas). Et qu'en plus elle dénichait les vedettes avec un œil connaisseur providentiel (elle n'a jamais fait aucune étude pour cela, elle s'est juste pointée chez une amie à qui il manquait temporairement une personne pour le poste... Non mais alors là, nous... On est scié). Et qu'en plus (oui, les révélations ne s'arrêtent plus sur 1h22), elle a travaillé à imposer sa vision de casting avec des vedettes aux filmos peu évidentes pour un certain rôle (L’Éveil où elle a imposé Robin Williams, Dirty Dancing où elle a formé le binôme Jennifer Grey et Patrick Swayze, Le Dernier des Mohicans où Daniel-Day Lewis n'était pas l'évidence incarnée, et pourtant...). On comprend vite pourquoi Michael Mann s'est, à chaque film ou série, laissé "harceler" (de son propre aveu) par Bonnie jusqu'à ce qu'elle fasse passer son idée de casting, qui deviendra culte par la suite. Vraiment, découvrir les coulisses des plus grands films de notre enfance, et savoir qu'on les doit à une directrice de casting (elle a créé le féminin de ce poste, inexistant) qui a fait ce travail pour rendre service à une copine, et qui ne se rend toujours pas compte de ce qu'elle peut représenter pour un cinéphile... Heureusement que le générique est très long (normal, les vedettes qu'elle a "déniché" ont tous tenu à apparaître pour la remercier, donc le générique n'en finit plus des noms qui font tourner la tête), car la standing-ovation des cinéphiles reconnaissants pour tous leurs films-doudous, pour tous les chef-d'oeuvres, pour toutes leurs vedettes préférées, a été plus que bruyante, on a tous tenu à faire entendre à la Dame - de force, nous aussi, on est insistants - combien elle nous est chère.