Pour sa 2ème apparition au cinéma, James Bond frappe encore plus fort en installant un peu plus les archétypes du mythe. De même, pour sa 2ème réalisation dans la série, Terence YOUNG signe ici un excellent film aux allures et aux références hitchcockiennes.


James Bond est envoyé à Istanbul pour escorter une transfuge soviétique dans son passage à l'Ouest et récupérer un lektor (système russe de déchiffrement). Mais ce que Londres, Moscou et 007 ignorent, c'est que toute l'opération est commanditée par le SPECTRE, soucieux d'extorquer les deux grandes puissances et de venger la mort du Dr No en tuant Bond.


En ce qui concerne les éléments "bondiens" qui se mettent en place avec ce film, citons le trio Bond-M-Moneypenny qui se peaufine, mais aussi l'arrivée du célèbre Q (Desmond LLEWELYN) et de ses gadgets (ici une valise d'auto-défense avec couteau, fumigène et monnaies variées pour soudoyer ou renforcer une couverture de numismate).
Passablement absents du 1er film au profit de l'exotisme, le luxe et le glamour font ici leur entrée: luxe des voitures spacieuses et classiques (traction avant de Citroën entre autres), des lieux (Istanbul antique et Venise), des trains (longue séquence dans le mythique Orient-Express). De plus, le James Bond thème est utilisé judicieusement sur les scènes de remplissage (transitions des personnages d'un lieu à un autre, Bond arrivant à l’hôtel ou s'installant dans sa chambre). Cela donne un certain cachet, spécifique des films bondiens, par rapport aux autres films d'action ou d'espionnage.
Nous avons aussi droit aux classiques du genre à l'époque: filatures, espionnage international mutuel (nous sommes en pleine guerre froide, à Istanbul, véritable nid d'espions), passages secrets, miroirs sans tain, combat de femme, apparition célèbre de la James Bond Girl nue dans un lit avec cache-cou pudique (scène longtemps reprise pour les castings des autres films de la série).
Enfin se met aussi en place une grande partie de l'univers du SPECTRE: bague, symbole de la pieuvre, chat, Blofeld invisible et même crédité d'un subtil "?" au générique. Nous découvrons une organisation structurée, hiérarchisée et efficace, disposant de camps d'entrainement et pouvant corrompre et contrôler n'importe qui. Cela accentue la menace sur Bond et rehausse sa valeur.


Et c'est là que nous touchons à l'aspect hitchcockien du film. Beaucoup d'éléments font référence au maître du suspense et à ses méthodes.
Citons tout d’abord l'excellente scène de pré-générique: James Bond y est assassiné; dès le 2ème film! Quelle sacrée entrée en matière!
Notre agent est exécuté par Donald "Red" Grant (Robert SHAW), tueur à gage recruté par le SPECTRE. Grant est un véritable alter-ego maléfique de James Bond: fort, professionnel, froid, efficace et aimant les femmes. Il représente aussi une menace constante pour James car le public sait qui il est dès le début alors que l'espion ignore son existence. Le public en sait plus que le héros. Nous sommes là dans le mécanisme du suspense efficace tel que décrit par Alfred HITCHCOCK.
D'autres petits détails sont clairement référentiels: la partie d'échec qui illustre l'intrigue du film; le lektor, véritable macguffin que tout le monde cherche constamment à récupérer, qui détermine la majorité des actions et des relations et qui n'est en soi qu'une petite machine à écrire que nous oublierions si James ne se baladait pas de temps en temps avec pendant sa fuite.
Tatiana Romanova (Daniela BIANCHI), la James Bond Girl est elle aussi une blonde hitchcockienne avec coiffure et tailleurs bien identifiables. Sont associés à ce personnage des relations et des idées troubles et ambiguës, propres aux personnages féminins hitchcockiens. Par exemple, sa relation avec sa supérieure, faite d'attouchements mais aussi de rapports autoritaires et dominateurs avec cravache.
Évoquons aussi sa première rencontre avec James qui est l'occasion d'un dialogue aux sous-entendus des plus osées dans un film de James Bond selon moià partir de 2:18 .


L'action aussi est présente et véhicule elle aussi son lot de références à Alfred HITCHCOCK. Ainsi la très longue séquence de l'Orient-Express rappelle les nombreuses scènes de train des films du réalisateur anglais: Quatre de l'espionnage (Secret Agent en VO, 1936), L'inconnu du Nord-Express (Stranger on the train, 1951) ou encore La Mort aux trousses (North by Northwest, 1959). Mention spéciale d'ailleurs pour le combat à main nue entre James et Grant: exemple de mise en scène et de montage au point que l'idée d'un tel combat confiné dans un train sera reprise dans L'espion qui m'aimait (The spy who loved me, 1977) et dans Spectre (2015).


En terme de mise en scène, la fin du film est haletante et enchaîne, dans un très bon montage, fuite en train, puis en hélicoptère, puis en bateau. La lutte de James contre l'hélicoptère est d'ailleurs une copie conforme de la scène de La Mort aux trousses à cela près que l'agent secret sait ici comment se défendre; ce qui le rendrait plus fort que Cary GRANT?
Enfin, à l'action se mêle une dernière fois le suspense avec la scène, tout de même palpitante - y compris pour Bond -, du coup de pied empoisonné à Venise.
James et Irina ont réussi à garder le lektor jusqu'à Venise. Rosa KLEBB, la commanditaire de l'opération pour le SPECTRE n'a d'autres choix que d'aller récupérer elle-même l'objet. Alors que tout semble fini, l’ennemi a toujours un second souffle et KLEBB est d'autant plus dangereuse quelle est une ennemie aux abois. Et là encore, il y a suspense par le fait que le public sait qui elle est au détriment de James. S’ajoute à cela un dernier petit suspense avec la trahison possible d'Irina.


Pour tout cela et sans doute pour beaucoup d'autres choses, Bons baisers de Russie est donc un excellent James Bond et peut-être le meilleur de la période Sean CONNERY.

GeorgesGainsbourg-Fe
8

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Créée

le 23 avr. 2020

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