Ce second opus de la franchise Bond arrive au moment où le cinéma britannique est en pleine mutation, avec d'un côté un groupe de cinéastes et d'acteurs qui cherchent à donner un renouveau au cinéma anglais comparable à la Nouvelle Vague en France, et de l'autre, une équipe qui donne dans le cinéma populaire de qualité qui va se constituer autour du producteur Harry Saltzman et qui au fil des années va investir les gigantesques studios de Pinewood.
Comme Dr No, Bons baisers de Russie possède un charme nostalgique, il est proche par l'adaptation et par l'esprit des romans de Ian Fleming ; il sait aussi être spectaculaire sans trop d'esbroufe, de cascades et de gadgets à foison (ceci apparaitra lorsque les Américains commenceront à mettre leur nez dans la production), mais Bons baisers de Russie est quand même plus efficace que Dr No qui souffrait d'être le premier de la série.
Ici, le monde de l'espionnage est décrit comme un univers implacable où les agents sont manipulés, retournés et éliminés dès qu'ils ne sont plus utiles, c'est pourquoi ce Bond est le plus proche de l'ambiance "guerre froide" qui régnait dans les romans d'espionnage sérieux, en exploitant l'antagonisme habituel entre KGB et contre-espionnage britannique, surtout que politiquement, le KGB était une force antagoniste importante pour l'Angleterre à cette époque, mais le Spectre joue un rôle de paravent carnavalesque, surtout avec une Rosa Klebb caricaturale pour le représenter.
Contrairement à d'autres Bond, ce film n'a pas un seul et grand méchant principal, une figure de proue du mal comme le Dr No ou Auric Goldfinger, on ne voit pas encore le visage de Blofeld, juste une paire de mains tripoter un chat blanc, mais l'homme de main se dessine (et prendra de l'importance dans les opus suivants) avec le personnage de Red Grant, un solide gabarit incarné par un jeune Robert Shaw teint en blond (ça fait plus Russe), et qui fait l'objet d'une des plus fantastiques bagarres de la franchise. Je ne sais pas comment ils ont fait pour tourner cette scène dans ce compartiment de train aussi exigu, mais ça reste une scène anthologique, c'est du travail d'artiste. Un mot encore sur Daniela Bianchi qui incarne l'une des plus sensuelles Bond girls ; quant à Sean, il est impérial, il a trouvé ses marques, il est beau comme un dieu et déploie son charme viril avec une aisance qui fait qu'il est indéniablement le meilleur interprète du rôle. Un Bond très réussi, malgré de menus détails qui restent à régler.