"Boogie Nights" est le genre de cinéma que tu prends en pleine gueule, à la fin du film, tu as l’impression d’avoir été tabasser, malmener psychologiquement. Les 2 heures 30 du film peuvent paraître longuettes mais c’est Paul Thomas Anderson qui tient la camera : les mêmes recettes que dans "Magnolia" son film suivant un chef d’œuvre du cinéma, travellings très bas, personnages qui s’entrecroisent, hasard chanceux, incommunicabilité, relations entre parents et enfants catastrophiques, personnages névrosés et monde où tout semble possible.
Le film est une fable cruelle, cynique sur le monde de la célébrité.
Paul Thomas Anderson ne juge pas : ça c’est certain, il se contente de montrer des faits et il n’y va pas de main morte avec ses personnages que l’on croise, destinés à vivre ou à mourir : le cinéaste ne choisit pas les destins des personnages à leur place, le film est en grande partie d’événements réels arriver à l’acteur John C. Holmes et à son entourage.
Le film nous montre avec une rare dureté des scènes psychologiques très fortes.
Les acteurs parfois ulcérés nous donnent le meilleur d’eux-mêmes dans des rôles parfois pas évident, la ou les émotions transpercent de partout, la où le film nous touche, réaliste, les larmes au coin des yeux et ces deux heures trente portés par une mise en scène extraordinaire, ayant vu ses deux films suivants avant, le cinéaste qui ne se foule pas, fait ses tics de réalisations, travellings très rapides et souvent bas, plans fixes sur ses personnages, zooms lents et une passion pour saisir les émotions de ses personnages. On note ses superbes travellings ou comme cette caméra qui tourne à 180 degrés d’un coup pour passer d’un personnage à un autre et aussi filmer caméra a l’épaule, proche des corps, proche des coups. Cette réalisation dense et intense nous permet de nous immerger réellement dans ce film. Comme chez Altman parfois les personnages parlent en même temps, les dialogues, du fait de son sujet, sont très drôles, voire ironiques et le fait que Dirk Diggler ai un pénis de 33 centimètres (qu’il nous montre dans la dernière scène) soit une déformation physique donne lieu a des gags fameux mais Paul Thomas Anderson ne s’attarde pas là dessus et quand les dialogues ne sont pas drôles, ils sont réalistes, sonnent juste. On note ce moment du film, un peu longuet, qui comme dans "Magnolia" fait le point sur ces personnages, sur une musique de Michael Penn, magnifique et impeccable.
"Boogie Nights" est une sorte de version moins ambitieuse et porno (bien qu’ironiquement le film contient moins de dix scènes de sexe) de "Magnolia".
Mais Paul Thomas Anderson semble plus cynique, plus inhumain avec "Boogie Nights" : il n’épargne quasiment personne mais comme dans "Magnolia", on est content d’avoir parcouru ce bout de chemin avec eux. Le film se déroule sur prés de six ans, contrairement à "Magnolia" qui se centre sur une seule journée. Le film est cruel, peut-être trop, mais la fresque titanesque de personnages auxquels on as fini par s’attacher, reste assez humaine.
Sa mise en scène, ses personnages, ses acteurs (outre Wahlberg, Burt Reynolds, John C. Reilly, Heather Graham, Julianne Moore, Thomas Jane, William H. Macy, Melora Walters, etc... sont parfait-e-s), sa puissance comique et dramatique et son ambition et le fait que les deux heures trente passent relativement vite font de "Boogie Nights" obligatoirement un grand film, un film vraiment pas comme les autres, un film dont tu te sortis grandi en tant que cinéphile, le film se sert de ses personnages comme de punching-ball, combien de films peuvent se permettre de malmener autant ses personnages ? Le film est aussi un documentaire sur l’industrie pornographique à la fin des années 70 et aussi sur cette époque.
Pour nous mettre parfaitement dans l’ambiance, en plus de sa réalisation, le réalisateur enchaîne les bandes-originales a la kalachnikov, rarement un instant sans musiques porte par des bandes-sons de cette époque. A un moment, tu te dis que tu es avec eux, à cette époque, que tu vis avec eux. Certaines chansons sont interprétés par les acteurs eux-mêmes comme cette scène où Mark Walhberg et John C. Reilly reprennent une célèbre chanson.
Paul Thomas Anderson ne se fait pas d’illusions sur notre monde et il nous le fait remarquer.
Une réflexion intéressante et puissante sur la célébrité.