On discerne déjà la figure d'une certaine innocence abusée par la modernité post-coloniale, incarnée par la figure traditionnelle d' Ibrahim ("Le mandat" - 1968), à la différence qu'ici le charretier est plus pauvre encore. Le regain de complexité administrative empêche un malheureux papa d'accéder directement au cimetière pour l'inhumation de son petit enfant, son linceul dans les bras; le charretier est piégé dans le quartier riche, interdit aux pauvres, à la demande malhonnête d'un parvenu, puis un policier applique impitoyablement la loi à son encontre. La femme moderne a des comportements qui choque la piété islamique du personnage*, la tête de sa passagère s'assoupissant avec inconvenance sur son épaule alors que le mari se trouve de l'autre coté de l'assise.
A ce monde en mutation répond l'évocation des racines culturelles de notre homme, de la société jusqu'alors, représentées par le griot célébrant la tradition des ancêtres, à qui il adressera ses maigres recettes.
Très artisanal (interdiction du décret Laval levée en avril 1960 naturellement), avec une narration off pas toujours très heureuse, le film n'est pas si manichéen (mendiant estropié, encore plus bas dans l'échelle sociale, recevant les sarcasmes un peu méprisants du charretier: "il y en a partout" !), mais un peu didactique . Reste le mérite d'une problématique posée et une forme documentaire de son époque, intéressante.
(*)...qui, sans le sou, semble ne pas ergoter lorsque sa femme sort faire commerce de son corps (on le suppose), afin d'assurer le repas commun !!!