Parce qu'elle se déroule en vase clos, dans un monde fermé, que l'académie se satisfait d'indignations sages, dans l'air du temps, mais qu'au fond rien ne change, la cérémonie des César est devenue un lieu confidentiel qui n'intéresse plus, en particulier les amoureux du cinéma.
Pourtant il viendra peut-être demain, aux oreilles de ces passionnés le nom du lauréat du court-métrage qui pourrait être (ou ne pas être) "Boucan" de Salomé da Souza. Mais au fond tout le monde ou presque, s'en foutra, sauf évidemment les personnes qui ont œuvré probablement avec beaucoup d'amour et de sincérité à faire en sorte que ce court existe.
En consacrant un projet qui reste fort de gêner certains aux entournures et d'appeler quelques grincements de dents, le jury garnirait l'enveloppe du lauréat d'un joli message envers ces amateurs qui font vivre une industrie parce que Boucan, est un geste fort de cinéma, qui porte en lui toute la radicalité de la jeunesse, et que les gestes de cinéma sont rarement mis en lumière, les votants préférant souvent se mettre en avant dans des gestes politiques mièvres.
Chronique familiale chaleureuse du sud de l'intérieur, mais surtout chronique d'une passion, d'un désir incandescent, qui parce qu'il est placé sous le sceau de l'interdit étourdit les esprits, Boucan éblouit lorsqu'il devient un bruissement fiévreux qui empêche la réflexion d'âmes submergées par l’émotion.
Les courts métrages ne préjugent en rien de ce que sera la carrière future de leur auteur, pourtant il y a ici, l’expression de tout un art de l’à propos : il s’agit d’esquisser très vite les personnages , de dessiner une trame en quelques plans quelques lignes de dialogues. La cinéaste excelle dans la narration "rapide", le propos est limpide, "Boucan" évoque d’abord le silence d’une attirance cachée entre deux jeunes gens fougueux, la réalisatrice ménage même ses effets, se retient de dévoiler l’impossibilité d’une liaison. Johannès et Gabin sont cousins : leur amour est interdit et ils le savent bien : ils vont à la féria, mais séparément, pourtant, dès qu’un autre garçon s’approche trop près de sa cousine, Gabin rugit fou de jalousie, un tourbillon, véritable tsunami, s’empare alors du métrage au son des notes d' "Une autre histoire" de Gérard Blanc.
César ou pas, Johannès et Gabin continueront demain et après-demain d'habiter nos mémoires, car ils rappellent à leur manière les amoureux maudits d'un autre sud celui du Vieux-Port, comme Marius Fanny et comme un autre César de cinéma, ils ont le verbe haut, l’emphase facile, l’accent riant la passion et la famille chevillées au corps