Que ceux qui déclaraient d’emblée, sans même avoir vu le film, que l’on massacrait leur enfance à la scie sauteuse, se rassurent : ils avaient raison.

Nous passerons outre le débat sur la médiocrité exponentielle du cinéma comique français depuis deux décennies. Je pourrais cracher mon fiel dans un laïus haineux envers ce genre que j’évite maintenant de manière systématique dans les salles mais d’autres s’y sont déjà frottés. Entre les films d’horreurs américains moisis et les comédies françaises insultantes, j’ai choisi mon combat et continuerai à tester des Paranormal Activity en dépit de leur médiocrité.

Boule & Bill était un pari entre copains cinéphiles parce qu’on a tous connu la BD et qu’on a tous failli faire un infarctus rien qu’en visionnant la bande-annonce. On a décidé d’aller le voir ensemble pour rigoler (nerveusement).

Alexandre Charlot et Franck Magnier, réalisateurs de Boule & Bill, affirment sans remords ne jamais avoir été de grands fans de la bande dessinée : “nous avions envie de faire un film avec un chien” depuis longtemps, disent-ils, et ce manque de passion se traduit prévisiblement dans une paresse généralisée caractérisant le film. Le tandem n’en est pas à son coup d’essai, ayant déjà écrit ensemble pour Les guignols de l’info (à l’époque où c’était encore drôle), puis travaillé sur le scénario de Bienvenue chez les Ch’tis (ça se gâte) et d’Astérix aux Jeux Olympiques (j’ai éteint au bout de 15 minutes, perso).

Ne nous attardons pas sur le scénario bateau de cette adaptation : après tout, c’est un film pour enfant, nul besoin de faire bien compliqué au risque de perdre nos bambins (puisque visiblement, nous les dressons à ne pas réfléchir à coup d’adaptations toutes plus nulles les unes que les autres – oups, je m’emporte encore). Concentrons-nous en revanche sur le jeu désastreux de l’intégralité du casting : Marina Foïs, cachée sous une coiffure artificielle désastreuse, accompagne un Franck Dubosc au pire de sa forme. Charles Crombez, incarnant le jeune Boule, est néanmoins le pire des trois : l’oeil éteint et la voix geignarde, il ne parvient pas à rendre son personnage attachant comme un enfant peut l’être – provoquant à l’inverse notre irritation.

Bill le chien est probablement le seul point fort de ce casting raté : il faut avouer que la bestiole est particulièrement mignonne et crédible (i.e. : bien éduquée pour les besoins du film), et sans aucun doute plus efficace que si elle avait été entièrement créée en images de synthèse (Garfield-style). La démarche de lui attribuer une voix, bien que celle de Manu Payet lui corresponde assez bien, se révèle en revanche quasiment inutile puisque ses “pensées” n’apportent aucune richesse au film, aucun charme supplémentaire.

Sara Giraudeau, incarnant la tortue Caroline, est quant à elle responsable d’une des pires performances qu’il existe dans l’univers du doublage. A mi-chemin entre la prestation d’une animatrice de téléphone rose et une postsynchro en VF d’un épisode de Friends ou Dragon Ball Z, son interprétation fait de la pauvre bête une nymphomane au QI négatif. N’oublions surtout pas le malaise infini que cette adaptation misogyne et hypersexualisée d’une tortue dans un film pour enfants provoquera sur l’ensemble des spectateurs. Bernard Giraudeau se retourne dans sa tombe.

Outre le jeu atroce de la quasi-intégralité des acteurs, l’on pourra noter un cadrage souvent trop rapproché, des mouvements de caméra brusques et désagréables, le tout résultant en une nausée persistante (j’ai dû fermer les yeux à plusieurs reprises tant la manière de filmer était agressive). L’on passera sur les nombreuses incohérences scénaristiques en ne citant qu’un exemple : le chien qui ne saisit pas ce que ses maîtres lui disent, provoquant de nombreux quiproquos “humoristiques”, mais sait pourtant comprendre les paroles d’une chanson et les répéter tout seul quelques jours plus tard. Oublions également les poncifs en tous genres (le directeur de l’école), les effets spéciaux foireux, les scènes de la bande-annonce non présentes dans le film, la bande originale inexistante, et tentons une première conclusion : ce film n’est absolument pas drôle.

C’est ici que tu me dis : mais c’est un film pour enfant, évidemment que tu n’as pas aimé, espèce d’ayatollah parisienne intellectuello-blasée. J’ai pensé à tout, bande de petits malins.

Je regarde ce film avec des yeux d’enfant. Et je vois un défilé d’horreurs qui vont me scarifier l’esprit pour le restant de mes jours et me transformer en petit con (oui j’exagère, c’est la colère). Voici donc en supplément des arguments ci-dessus tous les points qui m’ont choquée au vu de la cible à conquérir.

Pourquoi les réalisateurs français prennent-t-ils les enfants pour des attardés mentaux ? Il est pourtant possible de créer de belles oeuvres sans insulter leur intelligence, sans oublier qu’ils n’iront pas au cinéma seuls et que leurs parents se verront obligés d’endurer le film. Il est possible de créer des longs-métrages adaptés à toute la famille n’encourageant pas à regarder des contenus de qualité médiocre (il y en a assez comme ça à la télévision). La pauvreté des dialogues font malheureusement de Boule & Bill un film dénué de tout intérêt, sans compter un humour pipi-caca-prout prononcé et une fabuleuse scène d’ouverture sur les paroles de “Vous saurez tout sur le zizi”.

Deuxième point et pas des moindres dans un film centré sur le chien : le pauvre Bill en voit de toutes les couleurs. Ramener un chien en le faisant courir en laisse à côté de la voiture sur plusieurs dizaines de kilomètres s’apparente à de la maltraitance animale. Le secouer dans tous les sens en hurlant n’est pas non plus terrible. Et si les adultes sont (parfois) capables de comprendre le second degré dans une oeuvre entièrement consacrée à ce ton (Asterix : Mission Cléopâtre est bien plus fort sur ce point), les enfants ne réaliseront pas forcément ce qu’il est approprié ou non de faire tant le film se prend au sérieux par ailleurs (sans oublier Caroline la tortue nymphomane).

En termes de comportement approprié, abstenons-nous de tout commentaires sur l’attitude de sale gosse mal élevé de Boule et de l’émasculation immédiate de son père lorsqu’il ose le dresser un peu et passons à l’intolérance. Une des choses qui m’ont mise très mal à l’aise dans le film est cette caricature des personnes dépressives, en la personne d’un voisin complètement névrosé, hypochondriaque et obsessionnel, qui va globalement passer un sale quart d’heure. Quels “casse-bonbons” ces gens malades alors ! Alors, la prochaine étape, c’est quoi ? Les handicapés physiques ? Les étrangers ? Une belle leçon d’égoïsme pour encourager les petits à faire le plus de bruit possible et les grands à claquer la porte au nez de leurs voisins.

En conclusion, Boule & Bill, non content de dénaturer l’oeuvre d’origine, est un film très pauvre, paresseux, sans aucune réflexion, que ce soit des points de vue scénaristique, esthétique ou moral. Dénué de véritable humour et parfois même empreint de tristesse, il n’apportera rien, ni aux enfants, ni aux adultes, et se contente de miser sur ses deux têtes d’affiche dont les prestations sans effort ne font qu’empirer le tout.
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le 1 mars 2013

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