Trop de drapeaux rouges se lèvent en regardant "Boulevard" pour apprécier pleinement cette reprise quelque peu opportuniste de la part de Duvivier, un an après le succès de Léaud / Truffaut dans "Les Quatre Cents Coups" (1959). Duvivier en fin de carrière qui nous pond un film tout droit sorti d'une imitation vaguement Nouvelle Vague, dans un Paris (Montmartre et Pigalle essentiellement) du tout début des années 1960, c'est pour le moins surprenant et ce n'est pas sans charme, on peut le reconnaître. Sous le vernis de ce cinéma qui m'apparaît comme très forcé, à la limite de l'artificialité, il y persiste malgré tout un potentiel de témoignage avec la vie des cafés, la débrouille du quotidien, les petites chambres sous les combles, la vente de journaux à la sauvette, etc.
Mais pour accéder à tout cela, il faut endurer pas mal de vieilleries, à l'image des portraits féminins franchement pas valorisants, des fameux stéréotypes rances des artistes homosexuels, des baffes faciles, des scènes censées être vigoureuses mais qui ne le sont désespérément pas (la séquence de boxe avec Pierre Mondy est vraiment navrante, y'a rien qui va, ni dans l'image ni dans le son), et la liste est plutôt longue.
Le plus dommageable malgré tout, c'est cette sensation de négligence scénaristique autour du personnage de Jojo — on sent que Duvivier cherche beaucoup trop à se reposer sur la gouaille du tout jeune Jean-Pierre Léaud, et c'est trop faire peser sur ses frêles épaules. Bon, après c'est marrant de comparer les mœurs de l'époque qui autorisaient les adultes à saouler l'ado et le laisser rentrer chez lui ivre mort... Avec la voisine qui lui sort "C'est votre première cuite ? Il faut manger de la tête de veau au réveil". Mais toutes ses relations, avec son père cafetier, avec sa belle-mère qu'il ne supporte pas, avec sa petite amie et sa copine jouant sur le thème de la jalousie, et même avec le boxeur, toutes avancent comme des aperçus, des esquisses, en tous cas pas des relations construites en profondeur. Le plus réussi, c'est probablement Léaud qui joue au dur, qui essaie de garder la face en toutes circonstances, l'enfant amoureux d'une femme adulte, et les sentiments adolescents qui jouent aux montagnes russes (même si, comme le reste, la fin est archi précipitée).