Diantre : bien qu’inconditionnel du cinéma de Quentin Tarantino, je n’aurais que trop tardé à découvrir Death Proof qui, au regard de la relative rareté du cinéaste (le dixième film est proche), tient littéralement de la chance inespérée. Partie-prenante du double programme Grindhouse échafaudé en compagnie de son comparse Robert Rodriguez, ce Tarantino sensiblement « mineur » n’en demeure pas moins un défouloir ultra-référencé confinant au jouissif.


À ce titre, Death Proof n’est pas seulement un hommage patenté au(x) cinéma(s) fétiche(s) de son réalisateur : il tient aussi de la compilation féroce, primaire et non moins maligne de sa patte, qui au risque de tenir de la redite sans grand intérêt pour le spectateur parvient pourtant à confiner à l’intarissable plaisir. Qui plus est, ce long-métrage scindé en deux parties distinctes se veut des plus fins dans le goût outrancier, car notamment d’une extrême patience dans tout ce qui précède l’action-même.


Au menu donc : des dialogues en veux-tu en voilà, ses personnages ne manquant pas de tailler bavette à n’en plus finir pour donner du corps et du croustillant à ces mises en place tranquilles, quoique saupoudrées d’une savante tension allant crescendo. Les invariables pieds dénudés sont aussi de la partie, Tarantino allant même jusqu’à faire de son psychopathe Stuntman Mike un pervers polymorphe, ses obsessions tenant tant de la chair, de l’hémoglobine que de l’adrénaline dans sa définition la plus destructrice.


Faisant de son bolide une arme d’un genre inhabituel, ce dernier confère par voie de fait à Death Proof d’évidents attributs propres au slasher, mais sans jamais que cela ne prenne le pas sur tout le reste : pour preuve, ses premières victimes auront eu auparavant tout le loisir de se préparer au pire, si ce n’est que l’intrigue aura pris grand soin de ménager le doute quant aux intentions de son antagoniste phare. Survient ainsi ce mémorable regard adressé à la caméra, sorte de pacte silencieux et malicieux que Mike propose au spectateur : le meilleur reste à venir.


Là où nombre de films plus récents ne lésinent pas sur le cassage du quatrième mur, au point d’en épuiser la sève, le mécanisme est ici utilisé avec un tel sens du timing, de la parcimonie et de l’exécution qu’il n’en est que plus brillant. Et, cerise sur le gâteau, il permet à Death Proof de s’affranchir de la morale douteuse de tout (ou presque) ses personnages pour nous convier dans son délire régressif comme féroce.


Certes, il n’est guère subtil comme peut en témoigner sa plastique d’un autre temps, quoique versatile, néanmoins tout concourt à l’instauration d’un climat ludique, faisant du poisseux, l’érotique et le macabre un cocktail ne nous laissant pas indifférents. Au final, nous pourrions surtout regretter l’impact moindre de son second segment, lui qui pâtit de la maestria du précédent : doté d’attributs davantage « lumineux », il opère toutefois une bascule assurant un sacré contraste, les rôles d’inversant sans crier gare au profit d’une lecture « féministe » et vengeresse.


Son dénouement, si tant est que nous puissions le qualifier comme tel, n’a alors que peu de considération pour ses fondations : le traqueur est subitement désacralisé, ridiculisé même, préfigurant ainsi un trépas non moins brutal, tandis que l’infortuné Lee sera laissée-pour-compte. Pour autant, l’amour du cinéma de Tarantino n’aura eu de cesse de transpirer à tous les niveaux, l’art de la cascade en tête de file, de quoi hisser Death Proof par-delà de simples prétentions cyniques et récréatives. Quel régal !

NiERONiMO
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le 27 juil. 2021

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