Sombre énergie, furie sexuelle
Violent, simpliste, frivole, nombreuses ont été les critiques de Death Proof à ne voir du film qu'un simulacre tarantinesque, une déception profonde et le "raté" d'un réalisateur pourtant architectural.
Deux histoires de filles démolies par un psychopathe au volant et la solennité du sang qui gicle pour punir des conversations superficielles de ces canons sans beaucoup de cerveau : voilà qui constitue le scénario du film.
Au fond pourtant, il s'agit de bien plus que cela. Présenté comme un hommage aux cascadeurs des films hollywoodiens, comme en témoigne la présence de Zoe Bell, qui a doublé Uma Thurman dans Kill Bill, le film est en premier lieu une réussite artistique qui passe par des mouvements de caméra eux-mêmes liés aux cascades du film. Des références multiples à l'univers de Tarantino (la sonnerie du téléphone au drugstore, la couleur de la voiture des filles et son intérieur) lèvent tout doute sur le manque de travail et le fil conducteur du film. Mais c'est avant tout une image violente des rapports de force sexuels que véhicule (sans adhérer) le film, en présentant aux spectateur le show féminin de l'extrême, un teasing sans merci pour le spectateur et le psychopathe qui démolira les héroïnes à grand coup de voiture.
Les femmes comme objet de consommation, de fantasme, comme en témoignent les nombreux dialogues à connotation sexuelle et les scènes de dépravation du film. Rien, au moins sur le premier groupe d'héroïne, ne démontre quoi que ce soit de leur personnalité à part leur vie amoureuse (les textos de Julia sur le Jukebox, la scène sous la pluie avec Arlene).
Jungle Julia, aux jambes inatteignables, corps parfait et arrogance extrême, insolente, référence à Brigitte Bardot dont on voit un poster en scène d'ouverture du film, Arlene/Butterfly, au physique déchaîné qui nous offrira une scène de lapdance, maîtrisée, hors du temps, aérienne, Pam, victime esseulée qui supplira son ravisseur -"I will never tell anybody"-, sont filmées comme de purs objets sexuels, par une caméra aggressive et qui ne perdra rien de leur lascivité.
Plus tard, Lee, en cheerleader innocente, est utilisée par le réalisateur et les autres filles comme un appât auprès du vendeur de voiture, clairement obsédé sexuel, en symbole du manque de discernement, de logique, de second degré, d'intelligence de la jeune fille. Elle aurait pu faire partie du premier groupe.
Abernathy, enfin, qui achèvera le monstre d'un coup de pied dans la tête, pied léché quelques heures auparavant par un Stuntman Mike lubrique et dangereux dans une pulsion érotique et sanglante, symbolise dans le film le mélange parfait de la belle et puissante, qui cache son intelligence et surprendra ses amies comme le spectateur par sa tenacité, son audace et sa force.
L'exhbition quasi-fétichiste des héroïnes font du film une révélation pénétrante, abyssale, une allégorie du viol, comme en atteste la scène à l'hôpital, lorsque de façon très peu anodine, le spectateur comprend que le coupable s'en sortira, car lui n'avait pas bu. Les choses deviennent sérieuses.
Avec des personnages hyper-sexualisés et le déchaînement viscéral de la féminité, la jouissance vient de l'image pour le spectateur, comme elle vient du sang et de la violence pour Stuntman Mike. La tension sexuelle est à la fois un régal pour les yeux et le grave fil conducteur du revenge/trash movie que constitue Death Proof.
La consistance du film réside ainsi dans cette allégorie parfaite de la violence sexuelle. Au-delà de deux films miroirs, où l'une fois, le méchant gagne et l'autre fois, perd, les deux dénouements pour les quatuors semblent être une critique de la féérie physique proposée par le premier quatuor d'héroïnes. Le second, aux personnages bien plus travaillés, qui semble plus réel et à la portée du commun des mortels, est celui qui sortira gagnant. Elles avaient prévenu dès le départ : si un agresseur s'approche d'elles, il faudra "shut that nigga down"...
Notons pour finir ce clin d'oeil à Sofia Coppola, ex- de Tarantino, dont on voit les affiches de film Marie-Antoinette sur les magazines au drugstore.
En somme, un éloge de la femme forte sur fond de course poursuite en voiture, qui montre chez Quentin ce soutien inconditionnel aux femmes (si!) et le désamour d'une lutte contre l'hypersexualisation entrainant violence et injustice sur fond de psychopathie meurtrière.
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