Pleurnicherie à la gloire d'un délinquant répugnant présenté comme une victime (voir un miracle)
Boy A est un film agaçant, engoncé dans une espèce de timidité exaspérante (comme s’il ne fallait rien casser du sujet et laisser couler seul ce long fleuve tourmenté), rendant tout effort stérile et inerte. Sorti de prison, un jeune homme, Jack, doit (ré)apprendre la vie. Le récit est habile, entretenant un suspense proche du thriller psycho-social à propos du passé indicible du héros, passé qu’il doit se garder de raconter à qui que ce soit et que son éducateur tente de compenser en l’intégrant aujourd’hui à la société. Comme dans un cas sur deux, la résilience, après s’être accomplie dans une allégresse relative, est compromise. Le mal-né est agité en vain, ressemble à un petit animal déphasé, tout autiste face au monde.
Question : pourquoi toujours des êtres exclusivement cassés, sans aucune ressource intérieure au-delà des instincts au sens le plus laborieux (et totalement dépourvus voir démunis à l’extérieur) ? Comme si seuls des individus un peu benêts pouvaient être extirpés du malheur, comme si leur désespoir n’avait pu que les réduire et sûrement pas, dans une certaine mesure, les rendre forts, avertis, audacieux (ou même calculateurs) devant l’adversité. Parfois l’autiste se libère, mais ne sait pas s’y prendre ; il fait plus pitié que passionné, c’est plus conforme et rassurant pour le spectateur (voir comment est liquidée la scène de danse).
Plébiscite populaire, comme toutes les histoires balisées et consensuelles de résilience/rédemption, Boy A se construit sur un demi-siècle de clichés "nobles" d’une espèce de cinéma prétendument "humanitaire". La genèse du personnage réunit un torrent de vieilles images d’Épinal de ce cinéma-là : enfance ratée, misère sociale, victime de la cour de récré, ignoré par ses parents (vulgaires cas sociaux souffreteux : le père n’a même pas de visage, c’est dire l’humanité du bonhomme), ami exclusif/ange gardien avec qui on apprend les 400 coups…
L’oeuvre est démonstrative, cherchant à se dédouaner d’un sensationnalisme glauque qu’elle ne cesse pourtant de cultiver à mots couverts, comme pour se justifier afin de mieux se permettre toutes les fuites faciles (la surprise -bonne ou pas- vient d’un scénario assez improbable, fil conducteur sur lequel il s’agit de tenir bon). Pourtant, l’émotion est palpable quand la dignité tend à s’insinuer. Finalement, le cas se montre plus grave que dommageable lorsqu’on nous réclame d’accorder le pardon à un individu qui n’a pour circonstance atténuante que sa faiblesse de caractère. Faiblesse hautement condamnable et répréhensible. Éternellement passif, le cas est bien plus abject que celui du jeune ado de La Dernière Maison sur la Gauche, personnage qui lui savait, même s’il était trop tard, se soulever contre les autorités abusives. Jack/Boy A, lui, suit le chemin que les autres tracent. Il est tout à fait méprisable. Et si c’était un homme, ce serait une ordure.