Film sur la rédemption, « Boy A » est un film choc. Inspiré d'un fait divers sordide qui a défrayé la chronique en Grande-Bretagne, le film aurait pu sombrer dans le pathos et le voyeurisme. Le scénario est construit de telle manière qu'il privilégie la pudeur. C'est ce qui fait la force du film. En se focalisant d'abord sur la réinsertion du héros du film, sans nous dévoiler les causes de son incarcération, le réalisateur parvient à nous rendre le personnage touchant et humain. Mais nous comprenons que les faits pour lesquels il a été condamné sont forcément graves. En choisissant de nous livrer avec parcimonie son passé par l'intermédiaire des flash-backs ordonnés chronologiquement, le réalisateur souhaite par ce procédé nous faire comprendre les causes de l'impensable et il nous montre le remarquable travail d'expiation de rédemption que Jack a effectué.
Il souligne également l'importance de l'accompagnement, autant en amont qu'en aval, pour qu'il ne se retrouve pas écrasé et mis en danger par l'acte horrible commis lors de son adolescence. Par la même, le film est un hommage aux contrôleurs judiciaires qui font un métier admirable. Ce substitut paternel lui donne le courage et la force de reconstruire sa vie et lui permet de s'autoriser à aimer et être heureux parce que pour la première fois dans sa vie quelqu'un a posé un regard bienveillant sur lui. Cela me laisse penser qu'au-delà du traitement de la rédemption et de la culpabilité, le vrai sujet du film c'est le verbe aimer dans toute sa globalité, car car depuis sa naissance, Jack a manqué d'amour et de reconnaissance des autres (parents, hostilité et exclusion violente de ses camarades de classe) et donc, d'amour de soi. Sans la force d'amour et la compassion de Terry, Jack ne peut effectuer ce processus.
Mais là où l'on comprend vraiment que amour et reconnaissance sont les thèmes centraux du film, c'est le moment où tout bascule pour Jack, le moment où on aimerait le voir heureux jusqu'à la fin de sa vie. Moment clé où Terry est mise en face de ses propres contradictions par son propre fils, en manque de reconnaissance et d'amour... Peut-on vraiment en vouloir à son fils ?
Ce film est aussi une charge violente contre certains médias de presse racoleurs, en quête de sensationnel, qui pour vendre toujours plus, n'ont que faire du droit à l'oubli et expose à l'impossibilité d'échapper au regard des gens et du collectif, d'où le changement d'identité. Pour le collectif aucune rédemption n'est possible face à l'impensable. Jack sera toujours coupable devant l'éternité. À l'horreur de l'acte, isolé d'un enfant presque adolescent s'oppose une haine viscérale, violente, radicale et extrême de la masse collective, aveuglée, juge et parti à la fois. L'un à payer aux yeux de la loi et souffrira toute sa vie de l'acte commis, alors que la majorité distille une agressivité et une violence sous-jacente, qui elle ne sera jamais condamnée moralement. Dans les faits, elle est tout autant condamnable et irrationnelle que les faits pour lesquels Jack a été incarcéré. Car le résultat est le même au bout du compte. Cela trahi qu'une majorité de la société est dans le schéma "oeil our oeil, dent pour dent". Une sorte de loi du talion. Un cercle vicieux.
Ce qui réconforte c'est la lumière de certains qui ramène vers la lumière. Au moins Jack et Terry peuvent-ils être fiers tous deux du chemin parcourus ensemble. Mais peut-on vraiment se réinsérer si tout le monde ne joue pas le jeu?
En tout cas, le réalisateur en choisissant Andrew Garfield dans le rôle titre a révélé un grand acteur. Son jeu intériorisé et ses regards expressifs épousent parfaitement le personnage. Je n'oublierai pas ses rires, ses larmes et ses maladresses. En face de lui, il y a dans le rôle de Terry, un Peter Mullan solide et humain dans une partition tout en délicatesse.