La première réalisation d'un cinéaste, voilà un événement. Lorsque Ridley Scott sort le sien, 'Boy and Bicycle', il est encore étudiant. Pour situer, nous sommes en 1965, la nouvelle vague française est passée par là et grand nombre de cinéastes modernes font leurs débuts derrière la caméra.
Il y a quelque chose que je trouve fascinant derrière ces premiers films, premiers jets d'écriture souvent révélateurs d'une identité cinématographique, comment se révèle le talent d'un réalisateur ?
A première vue, 'Boy and Bicycle' n'a rien d'extraordinaire et se situe même bien loin des canons de science fiction que l'on connaît du réalisateur. C'est un film simple, qui nous fait suivre les déambulations d'un adolescent au sein d'une petite ville côtière. École buissonnière, premières cigarettes, vagabondages.... sacré programme guidé par les pensées du jeune homme, omniprésentes. Via ce personnage joué par son propre frère, Ridley Scott rend hommage à l’éveil adolescent, les joies de la vie instantanée en somme, celles qui ne répondent à aucunes conséquences et aucunes règles. C'est peut être ça vivre et derrière sa caméra, Scott nous montre aussi ce qu'il entend par filmer la vie. Tout est question de mouvement dans son film.
Qu'il vienne de la caméra même, du plus disgracieux au plus subtil panoramique, ou s'inscrivant à l'intérieur même de son cadre, il y a là l'idée de ne laisser aucun temps mort, de se calquer sur le regard immédiat du jeune homme. Ceci n'est que redoublé par le travail de montage : s'attarder sur un détail, pour revenir sur l'élément central, le vélo par exemple, qui avance et s'éloigne de l'école sans une once de remords. C'est peut être d'ailleurs ça, l'ingéniosité, la marque d'un passionné qui ne se cache pas derrière des codes établis.
Seulement, un film ne se limite pas à des prouesses de mise en scène, c'est avant tout raconter une histoire et c'est bien ce qui fait défaut à Scott sur ce coup là. Finalement, passé les cinq premières minutes qui mettent en place l'intrigue, on s'intéresse assez peu à l'histoire de ce garçon. Suivre ses pensées, l'observer jouant avec le monde sans pour autant que ce monde ne vienne agir sur lui, le film en abuse et si ce schéma étonne par sa vivacité au début, il finit par s'essouffler dans sa seconde moitié. Car ce jeune homme pense beaucoup et vite, peut être même trop. Bien que la qualité de l'écriture prouve l'amour que porte Ridley Scott à la langue anglaise, il manque cependant des éléments scénaristiques qui viendraient épaissir le film et donner du sens à ses pensées et au film lui même. De même, par son écriture, Scott en perdra plus d'un, néologismes et références à foison, le simple spectateur français que je suis s'est retrouvé souvent confronté à cette barrière de la langue.
Mais dans son ensemble le film a mal vieilli, prôner une telle libération de l'adolescence n'a plus le même impact que dans les années 60. Tenant plus de l'expérimental que d' Hollywood, il est curieux qu'un tel film vienne d'un cinéaste aussi attaché à la fiction que Ridley Scott. Comme quoi, filmer l'anecdotique n'est pas si différent de l'ampleur d'un Blade Runner.