Boy meets girl captive par la puissance émotive des situations qu'il filme avec tact et ludisme. Il y a d'abord la tentative de fuite en DS de Maïté et la petite Pimprenelle, la tentative de meurtre d'Alex par amour pour Françoise sur le quai au Gros Caillou ou encore l'épanchement cruel de Bernard par interphone, à peine caché par la musique rock écoutée par Mireille à l'autre bout de la ligne.
Ces couples déchirés apparaissent comme source d'inspiration pour le cinéaste Alex. Si il partage avec Maïté un bout de tissu à carreaux, qu'il associe à tort à Françoise, il partage une attraction dramatique pour Mireille. Lors d'une soirée saugrenue organisée par une riche Américaine aux amis marginaux - un cosmonaute, un monteur du cinéma muet lui même muet -, Alex provoque la rencontre avec Mireille. La beauté du noir et blanc se déploie tout à fait dans leur dialogue, sorte de clair obscur en plans serrés. Denis Lavant, qui deviendra l'acteur fétiche de Carax et Mireille Perrier, sont des acteurs très justes, qui portent à merveille la crudité du noir et blanc, en ce qu'il met l'accent sur leurs défauts.
Ce qui rapproche Alex et Mireille est qu'ils vivent tous deux leur amour par procuration: elle depuis son tabouret, derrière l'immense baie vitrée, au travers de laquelle elle observe le couple de voisins amoureux, lui en marchant un casque de musique sur les oreilles, jetant des pièces au couple trop parfaits du pont Neuf.
Il y a quelque chose d'enfantin dans le jeu du duo Alex et Mireille et dans la minutie délicieuse apportée par certains éléments du film: le verre de lait, le flipper du café, le jeu de claquettes, le fêlure de la tasse, la carte de vie par quartiers de Paris cachée derrière un tableau. Des détails égrenés ça et là qui touchent les spectateurs. D'ailleurs, les enfants sont des personnages à part entière du film: depuis Pimprenelle dans la DS, en passant par la chorale des pleurs des bébés gardés pendant la soirée ou encore l'enfant du métro parisien, qui garde en lui quelque chose de profondément dramatique et d'adulte.
Il en ressort un film profondément vivant, fait de rires et de larmes, éclairé par les contingences de la vie et bercé par une apaisante harmonie.