Le chevalier noir fauché
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le 14 févr. 2024
Quand on se lance dans l'exercice du vigilante movie, il est hautement recommandé de blinder son propos à l'épreuve des balles. Soit en faisant preuve d'intelligence et de discernement, soit en s'armant d'un second degré ou d'une pointe d'humour noir. Michael Morrissey se plante en beauté car son film n'a rien de tout ça.
Pour commencer, son scénario ne dépareillerait pas dans n'importe quelle série policière lambda. Et encore. Car vu le nombre d'aberrations et de coïncidences bien pratiques qui parsèment l'écriture, on se demande s'il y a eu un vrai travail de recherche pour assurer un minimum de réalisme. Y'a pas à dire, moi le fait de laisser un ado accéder tous les jours aux fichiers de la police, ça me fait quand même légèrement tiquer.
Cet ado, c'est Sean, un pauvre gars traumatisé depuis son enfance après avoir vu sa mère assassinée sous ses yeux (ça ne vous rappelle rien ?). Depuis, il noie son mal-être dans les bouquins, la boxe et l'intranet du commissariat local, en n'oubliant évidemment pas de faire la tronche H24 et d'entretenir des tics nerveux dignes d'un épileptique shooté à la caféine pure.
La nuit, au lieu d'aller se bourrer la gueule en écoutant Blink 182 comme tous les ados de son âge, il met son plus beau sweat à capuche pour aller tataner fébrilement des gros clichés de vilains comme on n'en fait plus depuis les années 80 : un gros cliché de dealer bien méchant qui cause mal aux femmes et qui a tué un gosse, un gros cliché de proxénète bien méchant qui cause mal aux femmes et qui les tape et qui en plus a tué un gosse (décidément), un gros cliché de gros raciste blanc alcoolo qui cause mal aux femmes (et aux autres) dans le métro, et j'en passe et des franchement pas meilleurs. Il a même un petit quelque chose contre son père, un gros cliché d'ex-boxeur ex-alcoolo ex-mari violent plein de dettes (ça ne vous rappelle rien ?).
Quand on part comme ça, on a beau gesticuler dans tous les sens, il faudrait un talent monstrueux pour sauver le film d'un sort funeste. Malheureusement, non content de proposer une réalisation fadasse, dépourvue de toute rage, incapable de provoquer la moindre empathie pour le héros, Morrissey développe en toute inconscience un propos parfaitement nauséabond trouvant son point d'orgue dans un final moralement abject qui tente de faire passer des lanternes pour des vessies (et vu les notes du film, ça a l'air de marcher).
On a parfaitement le droit, et même le devoir, de critiquer l'inefficacité du système judiciaire américain. Encore faut-il être assez malin et de bonne foi pour éviter de tomber comme Boy Wonder dans le manichéisme primaire pour justifier tout et n'importe quoi. Ca sera toujours plus facile de crier à la justice aveugle face à des criminels aussi caricaturaux que de proposer une véritable réflexion sur la vengeance et ses conséquences.
En revanche, le succès critique de ce film indéfendable apparait au moins comme une piste permettant de mieux comprendre l'état d'esprit d'une partie de la population américaine, alors que Donald Trump devient un sérieux (sérieux ?) candidat au trône de fer. NRA approved.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Outbuster, merci pour ce moment et Les pires films des années 2010
Créée
le 20 juil. 2016
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