Laissons-nous saisir par l'instant
Boyhood est d’abord un éclair de génie : filmer les mêmes personnages pendant 12 ans. Mais c’est ensuite une idée forte, incarnée dans un long métrage profondément humain et touchant, soit celle d’un enfant qui définit son identité et devient un homme. Le film de Richard Linklater est l’un des meilleurs de 2014 et même des dernières années, un Ours d’argent de la réalisation, au Festival de Berlin, amplement mérité.
Le réalisateur n’est pas le premier à explorer le concept du passage du temps sur un personnage, mais jamais un cinéaste ne l’avait développé dans une œuvre aussi aboutie. Comme le titre l’indique, le film nous introduit Mason Jr. (Ellar Coltrane) alors qu’il a six ans. Il vit avec sa mère monoparentale Olivia (Patricia Arquette), une serveuse qui travaille fort pour lui donner un toit ainsi qu’à sa sœur Samantha (Lorelei Linklater), âgée de huit ans. Leur père Mason Sr. (Ethan Hawke) est un éternel ado qui poursuit vaguement le rêve de devenir musicien et les visite de temps à autre.
Voir vieillir les acteurs est proprement hallucinant. C'est ce qui en fait un film unique. Le film saisit l'air du temps, en multipliant les références culturelles et politiques (films, jeux vidéos, chanson, Bush, Obama...) mettant en évidence les transitions entre différents moments. C'est tout à fait fou pour quelqu'un comme moi de cette génération, on a l'impression de se voir grandir nous aussi à l'écran, ayant vécu les mêmes repères temporels.
Si vous devez voir un seul film au cinéma cette année, ce devrait être celui de Linklater : quelle aventure! Sans effets spéciaux, sans artifices, sans prérequis et sans étude de marché, Boyhood nous tend un formidable miroir dans lequel on peut observer notre propre combat quotidien pour donner un sens à la vie.
Pour ce parti pris d’humanisme et de simplicité, Boyhood est un film magnifique. Allez-y. C’est impossible de ne pas tomber sous le charme. À la toute fin, il y a une protagoniste qui dit à Mason : «On dit souvent qu’il faut saisir le moment. Mais parfois, c’est le moment qui nous saisit.» Voilà qui résume à merveille ce que le spectateur ressent lorsque le générique se met à défiler. Wow!