Ce ne devaient être que de simples vacances, tranquilles comme toutes les autres, dans le château de son vieil ami installé en Belgique. Le hasard a voulu qu'un tournage s'y déroule, ce même été 2016, et qu'on l'invite à y tenir un petit rôle d'appoint. Trois fois rien, deux lignes de texte à tout casser. Il n'en fallait pas plus à Wilfrid Ameuille pour littéralement crever l'écran.
Sa tirade spontanée sur la nature et son équilibre a scotché toute l'équipe. Le réalisateur de Rien sauf l'été, Claude Schmitz, a découvert « un personnage étonnant », au naturel désarmant et à la verve sans pareil pour un profane. Une évidence rare. « Moi, je me suis trouvé ridicule », se rappelle Wilfrid, qui jouait la comédie pour la première fois de sa vie. Les deux hommes ont évoqué brièvement l’idée de faire un film ensemble, chez Wilfrid, dans « sa » campagne de Morthemer, près de Valdivienne. « C'est parti comme une blague mais c'est vite devenu très sérieux », raconte Claude au détour d’une interview.
Ce film, c'est Braquer Poitiers, lauréat du prix Egalité et diversité au 41e Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand et Coup de cœur du public au dernier Festival international de cinéma (FID) de Marseille. Tourné en grande partie l'été dernier, ce « court » de 60 minutes va bientôt devenir un long métrage et s'offrir une sortie en salles, au printemps. « Au début, ma motivation était de valoriser le territoire et de montrer la profonde qualité des gens de la campagne, qui sont aujourd'hui laissés de côté », explique Wilfrid, producteur du film.
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L'histoire : deux types veulent braquer à l'occasion les stations de lavage de Wilfrid, et s'installent chez lui en attendant.
Un film belge, à la C'est arrivé près de chez vous, à certains égards : on suit d'abord des malfrats, pour qui le crime a l'air si naturel, et aller si bien de soi, qu'ils semblent, plus ou moins consciemment, souscrire à d'autres lois.
Ici cela dit, le malfrat ne tue pas, ou très peu, il braque surtout des stations de lavage auto. Il se fait aussi, a priori, beaucoup moins philosophes que le serial killer de C'est arrive près de chez vous (qui avait un avis sur tout : souvenez-vous Les briques rouges !). La première moitié du film se concentre sur les voyous, qui improvisent en partie (autant les personnages que les acteurs). L'effet de réalisme des situations et des discussions est fascinant, et drôle. On a rarement aussi bien filmé une dégustation de frites à la fête de la musique de Poitiers.
Et petit à petit, Wilfrid va prendre de la place dans le film : c'est le châtelain séquestré, qui cherche toujours des bons mots pour expliquer ce qu'il ressent ; et qui voit dans ce qui lui arrive, sans rancune, l'éventualité d'une aventure humaine.
Il trouve le mot catharsis très moche, mais la désire ardemment.
J'aime pas trop ce mot. Il est pas beau et il veut pas dire grand-chose. Mais c'est comme une explosion. Catharsis ça veut dire explosion. Parce que à un moment il devient intolérable de voir des choses mauvaises. De côtoyer des choses bonnes, qui elles sont effacées par les choses neutres ou les choses mauvaises. Donc à un moment on dit merde. Moi je dis merde, je veux que cette fête, soit une explosion de bonté entre les personnes. Une explosion de communication entre les personnes.
Dit-il à son geôlier, qu'il invite à la fête. Vous verrez, on s'attache beaucoup à ce personnage de Wilfrid, qui a un petit côté Otis (Édouard Baer) malgré lui, avec un poil moins d'ironie.