Cœur vaillant (titre québecois) est le summum des films historiques sanglants, on ne peut plus manichéens et testostéroniques. Dans le genre "ode à la virilité" brute de décofrage, on fait difficilement mieux. Mel Gibson, après l'homme sans visage où il joue le rôle titre à la sensibilité écorchée, en est avec Cœur vaillant à sa deuxième réalisation. Il ne fait pas dans la finesse, il fait dans l'épique. Il joue aussi le rôle titre William Wallace, un vrai héros de la résistance écossaise contre la royauté britannique au XIVe siècle. Gibson fait de Wallace un superhéros modeste et aguerri qui, voulant couler des jours paisibles avec sa femme dans son coin d'Ecosse, se fait tomber dessus par les troupes d'Edward Ier (aussi connu sous le nom de « Marteau des Écossais ») qui lui égorge gratuitement sa femme. Agrrrr, vengeance ! (une entrée en matière très gibsonienne). Wallace va partir en campagne contre les anglais et ne va jamais renoncer à son intégrité et son principe de liberté.
Le film a été accusé d'anglophobie, c'est surtout un film anticolonialiste, les méchants auraient pu être français, anglais ou nazi, ils sont dépeints avec toute la morgue des impérialistes, et des ennemis de la liberté. On ne peut pas dire, c'est jouissif de voir ces barbares d'écossais foutre la pâtée à ces roitelets constipés. Mais attention, Même si Gibson a pris soin de s'entraîner des heures durant pour perdre son accent australien pour parler un (assez) bon anglais écossais (film à voir absolument en VO), il s'est bien arrangé avec la réalité historique pour manichéaniser encore plus l'histoire, et la mettre en concordance avec les vues pour le moins conservatrices de son réalisateur. Par exemple dans le film, le roi Edward Ier établit le droit de cuissage, ou la possibilité pour un seigneur anglais, de violer les vierges écossaises le jour de leur mariage. Cette coutume est, des dires de nombres historiens, une légende (encore moins vraisemblable à cette époque-là), que Gibson a mis en scène pour présenter sa vision très chrétienne et virile du "crime d'honneur" que les hommes s'en vont venger. Deuxième point dérangeant : le fils du roi anglais, le prince Edward de Galles, est dépeint comme un homosexuel (ce qui est déjà très polémique chez les historiens) et un couard, incapable de tenir tête à son père. Même si Gibson s'en est défendu, peu de films contemporains ont été aussi loin dans l'homophobie.
En passant sur ces aspects moralistes, Mel Gibson montre des grands talents de réalisateur qu'il développera pour le meilleur par la suite (Apocalypto). Les batailles sont très bien filmées dans toute leur violence (on est loin de l'aspect édulcoré et tous publics d'un Seigneur des Anneaux), le film est entraînant et c'est un bel hommage au peuple celtique. Gibson, (qui squatte l'écran un plan sur deux) Gleeson et Marceau offre une performance honnête et vibrante. Certains disent qu'il faut juger un film à l'aune de l'ambition de ses créateurs par rapport au résultat final ; ici Gibson a indéniablement réussi ce dans quoi il s'est investi. Après le tout est de savoir si vous partagez son propos... ou pas.