Les terroristes et les hooligans possèdent plus d’un point commun. Outre celui de partager leur nom sur un fichier S, c’est bien celui de se repasser la bataille de Stirling en boucle avant de partir faire le Djihad, ou de se grimer le visage pour exulter leur hargne dans les stades. 30 ans après sa sortie, Braveheart n’a rien perdu de sa furia guerrière et de sa capacité à exhorter son public dans une lutte vindicative pour la liberté.
Mad Mel
À l’époque, le nom de Gibson résonnait avec Awsome. Égérie des plateaux télévisés, l’acteur-producteur n’était pas encore la cible des quolibets et de l’opprobre journalistique. Opiniâtre, orgueilleux, quoi que tempétueux voire masochiste, Mad Mel s’était fait la spécialité des incarnations christiques destinées aux épreuves douloureuses et au martyr. Tout le prédestinait à réaliser La Passion du Christ. Qu’était d’ailleurs Mad Max de Georges Miller, si ce n’est un long chemin de croix se soldant par l’ivresse de la vengeance, du sang et de l’asphalte. Le réalisateur porte en lui cette flamme sacrée bouillonnant dans son for intérieur, toujours prête à exploser à la ferveur d’un coup de hache dans le crâne.
Braveheart suit donc ce même cheminement à travers l’histoire de William Wallace, le paysan écossais révolutionnaire capable de chier des boules de feu et de projeter des éclairs de son simple regard de braise. En faisant des anglais d’odieux colonisateurs ayant le droit de vie et de mort, ou bien de cuissage sur leurs vassaux, le cinéaste cultive une haine farouche contre l’oppresseur et nous place dans la position de l’opprimé soumis au joug d’une cruelle tyrannie. Son personnage se fera donc le porte-étendard de cette cause universelle, qu’il portera en campagne lors de reconstitutions de batailles d’une férocité extrême et d’une violence assez inouïe.
Les plans larges permettent véritablement de saisir l’importance de la logistique opérée sur les lieux de tournage, nécessitant 1600 figurants à une époque où les technologies de l’image ne permettaient pas encore de reproduire et de multiplier les cohortes armées sur ordinateur (Le Seigneur des Anneaux). Ces batailles grandeur nature feront véritablement figure de cas d’école pour les productions à venir (Gladiator, Jeanne d’Arc, The Patriot), alternant entre le gigantisme de son format 2:35 à des plans rapprochés nous plongeant au cœur de la mêlée et de ces affrontements brutaux.
Un cinéaste borderline
A l’instar d’un Ridley Scott, le réalisateur effectue quelques anachronismes historiques, de manière à l’adapter à son intrigue (la bataille de Stirling est censée s’être déroulée sur un pont). Les mises à mort moyenâgeuses sont particulièrement gores et sanglantes (décapitations, démembrements, torture, coups de masse, tout y passe !), et permettent au concepteur des effets spéciaux Rob Bottin (The Thing) de s’épanouir dans son exercice favori. Le score épique de James Horner finira d’emporter nos cœurs à grand renfort de tintamarre, de mélodies celtiques et d’instruments à vent, calés à mesure de la charge d’une cavalerie zélée vers les lignes ennemies, ou bien des états d’âme d’un héros acclamé, trahi puis torturé au nom d’une liberté bafouée.
Mel Gibson est omnipotent. Son personnage harangue les foules de son fiel, vocifère contre ses adversaires, montre son cul à l’écran, le majeur de sa phalange macédonienne fièrement relevé contre les anglais. Toujours sur la ligne rouge, le cinéaste n’a évidemment pas été épargné par les polémiques (les accusations d’anglophobie et d’homophobie, ainsi que les critiques des défenseurs de la cause animale), tant son film galvanise et se complaît dans une forme de brutalité jubilatoire.
Les magnifiques élans romanesques, discours inspirants et relations fraternelles esquissés tout au long du film se verront systématiquement écartelés sur l’autel de la barbarie, des massacres de masse et de l’infamie. L’actrice Sophie Marceau partageant l’affiche avec lui se voit d’ailleurs réduite à jouer les potiches de luxe (« je crois que je l’aime » disait-elle, nous aussi Sophie !). On l’aime tellement qu’on le suivrait jusqu’en enfer. Preuve s’il en est que si l’on en vient encore à regarder Braveheart de nos jours, c’est moins pour sa dramaturgie que pour la fureur de ses affrontements.
Si toi aussi tu es un gros frustré qui en a marre de toutes ces conneries, eh bien L’Écran Barge est fait pour toi. Tu y trouveras tout un arsenal de critiques de films subversifs réalisés par des misanthropes qui n’ont pas peur de tirer à balles réelles.