"T'as vu, Disney + a classé Brazil dans la liste des comédies. ... tu pense que ça rentre là dedans."

"Je sais pas, je connais pas Brazil."

"Ha... Pourtant c'est un de mes films préféré."

"Et pourquoi tu me l'a pas montré ?"

"Bah, il y a dix ans je l'ai montré à mon ex, et j'ai badé"

"Un de tes films préféré te fait bader ?"

"Oui."

"Mais tu trouve que c'est une comédie ?"

"... en quelque sorte."

"Ok, on va regarder ce film. Comme ça, en plus tu arrêtera de dire que la dernière fois que je l'as vu, c'est avec ton ex."


Donc, voilà, j'ai re-re-re-revu Brazil. (Dans sa version de 2h30 voulu par Gilliam, je sais que Disney+ fait de la merde, mais pour le coup, ils ont été réglos.) Et malgré le fait d'avoir enchainé son visionnage par un dessin animé rigolo, bah, ça m'a refait bader cette nuit. Je crois que c'est vraiment l'enchainement des plans finaux du film qui me bute à chaque fois.

Le fait que l'happy end soit coupé par l'intrusion dans le champs du visage des deux tortionnaires, le visage de Sam Lowry avec un rictus de fou. Plus ce plan large sur cette salle vide immense avec au centre Lowry enchainé avec une musique de samba hyper enjouée qui créée une dissonance cognitive qui amplifie le sentiment d'horreur de la situation.

Comme à chaque revisionnage, je me suis dit "mais pourquoi j'aime ce film au juste ?" Et comme à chaque revisionnage, j'ai trouvé plein d'éléments mal foutus dans ce film : il y a un côté "absurde" qui fait que l'on a du mal à suivre l'intrigue du film, des passages qui et j'ai parfois du mal à ne pas trouver Sam Lowry antipathique. Le fait que ses rêves soit en fait basés sur un complexe freudien m'ont sauté au nez et je pense qu'il embarque complètement Jill dans son délire, ce qui aggrave le sort de la pauvre femme.

A savoir : serait-elle morte ou non sans son intervention ?


Mais... j'ai lu après coup, que c'était volontaire : on est pas sur l'histoire sur un pauvre homme broyé par le système, mais sur un type qui ne prend aucune responsabilité (y compris sous la torture.)


Comme à chaque fois que j'ai revu ce film, j'ai été pris par tout ce qu'il à a offrir : la foultitude de détails, certains acteurs que j'ai enfin reconnu (purée, mais y a Bob Hoskins dans ce film) et ça me tue lorsque je vois le nombre de décors, de maquette ou d'accessoires parfois complexe créés juste pour un plan ou pour un événement d'arrière plan.


Brazil est-il une comédie ? Sans doute. C'est la quintessence même de l'humour noir : on rigole de temps à autre de l'absurdité de ce monde complètement déshumanisé où les bourreaux emmènent leur gosse au travail, où tout le monde s'achète le même cadeau pour Noël (j'en reparle plus bas) où les attentats font parti de la vie quotidienne. Le film met en scène des plans qui sont purement tirés des rêves : ces villes où l'architecture n'a aucun sens, ces ascenseurs dont les boutons sont incompréhensible, ces tuyaux qui semblent se démultiplier lorsqu'on tente de réparer un truc, etc... Le pire, c'est qu'il y a même au milieu de cette vision cauchemardesque, des éléments gaguesque pur (comme ces ouvriers qui jouent au volley-ball dans leur combi de travail en plein chantier.)


Ma copine est plutôt rentré dans le film et quand je lui ai dit qu'il y a eu une version aux USA où les derniers plans ont été supprimé pour créer une fausse happy-end, elle m'a dit "mais pourquoi ils ont fait ça : c'est tout l'intérêt du film !"


Oui, pourquoi mélanger sans arrêt le rêve et la réalité si ce n'est pour arriver à cette fin où les deux se rapprochent tellement qu'on a du mal à voir (dans un premier temps) où se trouve la scission.

Si elle se trouve canoniquement sur le moment où Tuttle vient Lowry, il y a des moments où je me demande si elle n'arrive pas plus tôt, lorsqu'il se fait assommer dans le camion : le fait que son appartement soit réquisitionné par le Central Service, que Tuttle vienne spontanément l'aider (alors qu'il ne l'a pas appelé) est un peu étrange, vu que personne ne vient jamais l'aider. On a aussi le fait que Gill soit sortie de détention sans trop d'encombre, qu'elle vienne le retrouver, qu'elle sorte avec lui après avoir revêtu une perruque de sa mère. Ce qui me donne l'impression que c'est peut-être arrivé en rêve. Il est largement possible que ce flou soit volontairement créé pour mettre en doute le spectateur.

La fin du film justifie aussi toute la bande son de Mikaël Kamen où il créé des variations sans arrêt du même morceau, nous introduisant l'idée d'une forme de légèreté et de détachement du héros afin de survivre mentalement à cette distopie.


A propos, ce film m'a fait penser à quel point les anglais adorent foutre leur pays au coeur d'une distopie : Est-ce parce que c'est la nation d'Orwell et de son 1984 ? Mais entre le monde de Brazil, celui d'Orange Mécanique, ou celui de V pour Vendetta, l'Angleterre se rêve pas mal en dictature.


Brazil est-il la suite caché de Monty Python : Le Sens de la vie ?


A chaque fois que je vois ce film, j'en repars avec une théorie avant de m'endormir. Ma nouvelle théorie est lié à mon visionnage, il y a deux ans de Monty Python - Le sens de la vie, où je m'étais rendu compte qu'il s'agissait aussi d'une comédie ultra-déprimante. Les deux films en plus de leur humour noir ont une moralité similaire (la vie est absurde et ne vaut rien) des visions de cauchemars (par exemple le passage de M. Creosote qui a le bide qui explose et la mère de Sam qui se fait tirer la peau) une réalisation similaire (après tout, le court-métrage d'intro du film, The Crimson Permanent Assurance a été réalisé par Terry Gilliam et raconte la vie de bureaucrate qui finissent par se rebeller.) Et Brazil est la création dans laquelle Gilliam s'est lancé immédiatement après Le Sens de la vie.


Or, le Sens de la vie se termine par un numéro musical nommé "Christmas In Heaven" : une parodie où le paradis est un monde consumériste où "c'est Noël tous les jours." Et comme preuve que c'est le paradis, on nous explique que la télévision passe la trilogie des Dents de la Mer et que tout le monde à droit de recevoir des walkmans et les derniers jeux-vidéos. (Je cite textuellement la chanson.)

Or, dans Brazil est l'application à la lettre de cette chanson. C'est un détail que je n'ai vu relevé dans aucune analyse du film : on ne sait pas quel jour où est. On sait que c'est Noël, mais le film s'étale sur plusieurs jours (presque une semaine.) L'hypothèse du spectateur est de se dire qu'on est durant "le temps des fêtes" : cet espace entre le 20 décembre et le 1er janvier où les gens s'offrent des cadeaux par avance et où l'on organise des soirées. Sauf que personne ne dit à un moment "c'est la veille de Noel" ou "c'est bientôt le premier janvier."


Et si, dans le monde de Brazil, c'était effectivement Noël tous les jours ? Un Noël institutionnalisé où tout le monde passe son temps s'offrir le même cadeau (en l'occurence une sorte de guillotine gadget permettant de prendre des décisions... étrange dans un monde où personne n'est censé prendre de décision au hasard) et où les programmes télés passent Casablanca ou des vieux westerns. Et si, en fait le paradis des Monty Python était le monde de Brazil ?


En vrai, je trouve à ce film quelques défauts (notamment de rythme et de clarté) mais le fait qu'il m'empêche de dormir à chaque fois que je le voit qt m'amène à des tonnes de théories tout en me faisant déprimer à chaque fois que je le regarde me fait penser que ce film est important pour moi. Du coup, oui, je vais lui mettre un 9.

le-mad-dog
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le 2 févr. 2024

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