Un Kafka de force majeure
Je ne me souviens plus combien de fois j'ai pu voir Brazil dans ma vie, je sais juste que là ça faisait bien sept, huit années de jachère et que c'est bien pratique pour avoir l'impression de redécouvrir le chef d'oeuvre de Terry Gilliam... Vous vous demandez sans doute pourquoi je vous raconte ma vie, et bien c'est parce que Dimitri attends depuis presque trois heures dans le plus grand trouble pour savoir si ma note restera aussi haute que dans mes souvenirs de jeunesse et que, comme cela, je fais durer le plaisir...
En vrai, je n'ai pas grand chose à vous raconter sur ce film que vous ne sachiez déjà. Un mélange d'Orwell et de Kafka passés à la moulinette d'un sale gosse enfin en accord avec son sujet, des détails brillants dans tous les coins, un foisonnement d'idées formidables, des gags à hurler de rire dans un climat d'angoisse permanent, un monde intelligemment désuet, ce qui lui permet de bien vieillir, un rythme à la Tex Avery, mais au service d'une histoire fascinante, un Jonathan Pryce dans le rôle de sa vie, un Robert de Niro très humble en plombier-terroriste-cauchemar de Bob Hoskins, une Katherine Helmond d'anthologie, un Ian Holm bien poisseux et un Michael Palin aux petits oignons.
D'un autre côté, et pour justifier ma notation que je changerai peut-être dans les minutes qui viennent, j'ai toujours autant de mal avec les scènes de rêves que je trouve assez ratées et particulièrement superfétatoires. De la même façon, une touche de mauvais goût ici et là (Bob Hoskins explosant dans les excréments, le cadavre en charpie du cercueil, les masques de Bébés) nous rappelle que nous avons affaire à Gilliam le barbare et non pas à George Cukor, mais bon, j'étais sensé le savoir en mettant le film, je crois...
Reste que la chanson qui me reste en tête et la vision de ce monde dystopique singulièrement réussi risquent d'effacer très vite les petits défauts, De plus, je ne sais pas pour vous, mais moi, c'est fou comme dans tous ces bureaux j'ai l'impression de croiser mes collègues et c'est ce genre de terreur, cachée au milieu de la grosse farce qui donne au plat tout son sel.
Voilà, voilà, je vais pas trop traîner, j'ai un Dimitri qui se liquéfie devant son écran, et ça c'est dommage... A propos, si vous voulez une critique plus longue, allez voir la sienne, et puis, si vous êtes feignants, allez voir celle de Kalian, il raconte tout en dix lignes, comme quoi, j'étais pas obligé de jouer à ce point avec les nerfs de Dimitri... Je demande pardon à Hélium et à l'équilibre du monde, mais je vais laisser mon huit et demi s'inscrire en neuf, rien que pour le maître d'hôtel...