- "Breaking the Waves" dans mon "TOP 10" -

Qui est ce Jan Nyman qui débarque en hélicoptère au sein d'une petite communauté au fin fond de l'Écosse ? C'est avec une immense surprise et une bonne dose de méfiance que les habitants de l'endroit, très intégristes religieusement, font la connaissance du futur époux de Bess McNeill, une jeune fille très pieuse, souffrant d'un traumatisme récurent. Jan plus âgé qu'elle est un homme grand et fort, aux cheveux longs, travaillant en pleine mer sur une plate-forme pétrolière. Bess, sous l'emprise totale du "Conseil des Anciens" composé d'hommes rigoristes, est follement amoureuse de Jan, bousculant à cette occasion les conventions de la communauté au nom de l'amour et bravant ainsi les mariages imposés. L'amour fou va t-il résister au choc effroyable de l'accident de Jan et de la paralysie qui en résulte?


Comment deux êtres aussi différents ont-ils pu se rencontrer et vivre un amour aussi intense l'un pour l'autre ? L'histoire ne le dit pas mais il est certain que malgré l'entourage très carcéral de cette communauté fanatique et austère, la très pieuse Bess tente "d'exister" dans la grande demeure, chaperonnée par sa belle-sœur Dodo et sous les regards accusateurs de ses parents aussi rigides que leur perception de la religion. Certes, dans cette triste ambiance, Bess qui connaît des problèmes de comportement et passe pour une simple d'esprit vis à vis de tous a du mal à se situer. Pour elle Dieu est amour et justement le grand amour est venu frapper à sa porte. Il est venu de loin et ils se sont choisis. Leur passion est trop forte pour suivre la direction imposée par des croyants fanatiques. Bess n'a pas peur, elle impose à son entourage ce mariage à l'église avec Jan.
Celui-ci est plus âgé mais lui également tient plus que tout à Bess. Il a tout à lui donner et à lui apprendre. Ainsi, à partir du jour de ses noces, la jeune fille va danser, rire et découvrir l'amour charnel sans se sentir fautive devant l'Éternel. Ils savent qu'ils seront ensemble à la vie à la mort, la mort qui effectivement rôde lorsque Jan est victime d'un terrible accident sur la plate-forme. Il sent la vie le quitter et demande à sa femme un sacrifice énorme dont elle ne doute pas de son utilité: draguer les hommes qu'elle croise et lui narrer le compte-rendu de ses actes . Ce n'est pas un travail mais elle va l'accomplir par amour et nourrir l'imagination de son mari paralysé et passionnément amoureux. C'est peut-être aussi ça l'amour lorsque la réalité épouse l'imagination. Peut-être pense t-elle que Dieu dans sa toute puissance tiendra compte de son sacrifice offrant à Jan la force de vivre et à elle la justification de sa piété.
Bess est une "putain" pour cette communauté. Elle subit les sarcasmes de tout ce beau monde féru de prières et prêcheur de morale. La pitié, la compassion mais surtout l'écoute et la compréhension n'ont pas place chez ces gens-là. Bess et Jan payent très cher leur union à la vie à la mort.


Bien sûr chacun se doute maintenant que je porte un intérêt particulier pour Lars von Trier qui aime par dessus tout analyser à sa manière le devenir de personnages torturés par la vie et placés devant des situations extrêmes. Ici il prend à parti une société qui au nom d'une religion et d'une morale se révulse devant les différences en vertu de grands principes dignes de l'inquisition. Le réalisateur développe son sujet avec un certain lyrisme tout en évitant de tomber dans le mélodrame. Les expressions des visages, les dialogues et l'atmosphère étouffante de cette tranche de vie sont absolument sublimés par la beauté des images et par des comédiens complètement "investis" dans leur personnage.
Ainsi Emily Watson est absolument magnifique dans le rôle de Bess tant elle laisse transpirer toute l'émotion de ce personnage traumatisé luttant de toutes ses forces pour accéder à la vie dont elle rêve. Parfois heureuse, parfois malheureuse, anxieuse, follement amoureuse ou désespérée, elle garde le contact sans faiblir avec Jan dont l'innocence se mêle au bon sens.
Ce rôle de Jan est tenu par Stellan Skarsgard qui grâce à son talent nous touche profondément, homme heureux de vivre son grand amour mais aussi son métier, entouré de ses fidèles copains de la plate-forme. Lorsque sa vie bascule du mauvais côté, l'homme désarmé, disloqué et désespéré devient bouleversant.
Je vais citer également l'excellente Karin Kartidge incarnant le personnage de Dodo, qui elle aussi n'a pas été épargnée par les épreuves dans sa vie austère et se réconfortant peut-être en veillant sur Bess, sa belle-sœur. Arian Rawlins, le Docteur Richardson est très convaincant, lui qui essaye de réparer tout en nuance ce qui peut encore l'être après la catastrophe. Je vais également citer Jean Marc Barr, le fidèle copain de Dan, qui l'accompagne dans les bons moments comme dans les plus tragiques.


Lars von Trier nous montre ici tout son talent de metteur en scène en nous offrant ce merveilleux film au sujet très riche et très profond. Il fait preuve à travers la dureté du propos de beaucoup de sensibilité. Sa formidable direction des acteurs en est la preuve formelle. Ne passez surtout pas à côté de cette œuvre magistrale.


Ce film a obtenu :



  • César du Meilleur Film Étranger 1996

  • Prix "Le Masque et la Plume" 1996

Créée

le 31 oct. 2016

Critique lue 2.8K fois

48 j'aime

31 commentaires

Critique lue 2.8K fois

48
31

D'autres avis sur Breaking the Waves

Breaking the Waves
Rawi
9

Critique de Breaking the Waves par Rawi

Voilà longtemps que je souhaite écrire sur ce film. Il a une place très particulière dans ma cinéphilie. Il s'agit de l'un des premiers films issus du "Dogme" mis en place et en pratique par LVT...

Par

le 27 nov. 2013

58 j'aime

4

Breaking the Waves
Grard-Rocher
9

- "Breaking the Waves" dans mon "TOP 10" -

Qui est ce Jan Nyman qui débarque en hélicoptère au sein d'une petite communauté au fin fond de l'Écosse ? C'est avec une immense surprise et une bonne dose de méfiance que les habitants de...

48 j'aime

31

Breaking the Waves
Architrave
9

You can't love a word.

Il y a des films dont on ressort plutôt émoustillé. Breaking The Waves n'est pas l'un de ces films. Après Breaking The Waves, tu ne parles plus, tu ne bouges plus. Tu repenses à cette putain de...

le 29 oct. 2011

31 j'aime

3

Du même critique

Amadeus
Grard-Rocher
9

Critique de Amadeus par Gérard Rocher La Fête de l'Art

"Pardonne Mozart, pardonne à ton assassin!" C'est le cri de désespoir d'un vieil homme usé et rongé par le remords qui retentit, une triste nuit de novembre 1823 à Venise. Ce vieil homme est Antonio...

178 j'aime

68

Mulholland Drive
Grard-Rocher
9

Critique de Mulholland Drive par Gérard Rocher La Fête de l'Art

En pleine nuit sur la petite route de Mulholland Drive, située en surplomb de Los Angeles, un accident de la circulation se produit. La survivante, Rita, est une femme séduisante qui parvient à...

171 j'aime

37

Pierrot le Fou
Grard-Rocher
9

Critique de Pierrot le Fou par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Ferdinand Griffon est entré malgré lui dans le milieu bourgeois par son épouse avec laquelle il vit sans grand enthousiasme. Sa vie brusquement bascule lorsqu'il rencontre au cours d'une réception...

158 j'aime

47