« Promettez-vous de l'aimer, de l'honorer, de le chérir… ». Breaking the waves est un film qui confronte le bien et le mal, le corps et l’âme, et les dérives de l’extrémisme face à sa propre turpitude, celui de l’amour et de la religion. Le personnage de cette femme, prête à tout pour garder son mari en vie, ne sachant plus comment exister, tiraillé entre le fait de vouloir plaire à Dieu et cet amour sans limite pour son mari la poussant à faire don de son corps, au sacrifice de sa vie. Dans cette bourgade maritime fait de culs bénis, elle trouve l’amour, le plaisir charnel, se demande sans cesse si elle a fauté, si elle a le droit d’en profiter, si la vie peut lui permettre de vivre ces moments de grâce, comme lors de ses moments presque schizophrènes où elle fait comme Dieu lui parlait de vive voix. Le film est tourné caméra à l’épaule, mais ça ne l’empêche pas d’avoir une esthétique travaillée, sobre avec quelques fulgurances visuelles, filmant proche des visages, bercés par le souffle des vagues, laissant apparaître la plus abrupte des émotions. Le début du film est des plus heureux, Lars Von Trier filme sublimement le couple dans le plus simple appareil, dans la plus pure sincérité, avec ces regards lancinants, ces caresses intimes, ces rires attachants, cette complicité presque indicible, la jouissance des premiers mois puis vint le déchirement de la séparation puis la souffrance du drame. Jouant la carte du mélodrame où le romantisme se mélange à la laideur, Breaking the waves se dessine petit à petit un destin de tragédie, avec cette femme iconisée, qui semble perdue entre sa foi et son amour. Son mari victime d’un accident de travail et devenu paralysé, de façon perverse ou bienveillante, va alors lui demander de coucher avec d’autres hommes pour garder allumer la flamme de leur couple, brisé en pleine vol. Ce qui est beau et touchant, c’est l’incrédulité presque mystique de cette femme, qui ne cesse de croire, donnant sa vie, son corps pour son mariage, pour rendre possible l’impossible car elle sait que l’amour qu’elle vit avec son mari se place à un autre niveau de connexion. Les deux âmes se chevaucheront à jamais. Elle se fout bien éperdument des remarques de sa famille, de ce village qui la juge. Il n’y aucun artifice, ici l’épure est la plus brève, ne s'abaissant jamais à aucune trivialité de mauvais gout, excepté le dernier plan un peu too much visuellement. Ce personnage d’Emily Watson transcende le film avec une force qui bouscule tout sur son passage, l’actrice semble comme habitée, avec ses grands yeux bleus entre délire hystérique et larmes d’amour. Breaking the waves devient la quête existentielle d’une femme qui vie entre culpabilité et recherche de rédemption, où les transgressions maritales de cette femme deviennent une preuve de sa foi, une marque d’amour indescriptible. Jamais larmoyant mais toujours émouvant, le film de Lars Von Trier laisse difficilement de marbre, montrant cette femme sautant à jamais dans le puits sans fond de l’amour.