Clint Eastwood n'a donc pas attendu le milieu des années 90 pour réaliser un drame romantique... C'est seulement son troisième film en tant que metteur en scène et déjà, il s'essaie à autre chose qu'un film faisant parler la poudre. C'est à croire que le public des années 70 n'était pas encore tout à fait prêt, tant il bouda ce film et obligea Eastwood à rentrer dans le rang. Si on est très loin du ton et du style de Sur la route de Madison, il y a tout de même un avant-goût évident d'une partie de sa sensibilité dans cette histoire d'amour presque contrariée.
Eastwood, on le sait bien maintenant, nourrit dans une certaine mesure des aspirations de romantique, voire de poète. Sans doute intéressé par le sujet de son film (la vieillesse le tracasse, à coup sûr), il illustre une romance entre un agent immobilier vieillissant et solitaire, riche et au cuir épais, et une jeunette hippie insouciante, à la personnalité largement sous-développée face à sa contre-partie masculine. C'est d'ailleurs un des principaux reproches que l'on peut formuler à l'encontre du film : avec un personnage féminin aussi évasif, Eastwood dessert la féminité en la réduisant à une sorte de variable d'ajustement, toujours compréhensive, toujours là quand le personnage masculin change d'avis. Mais disons que William Holden donne corps à un questionnement existentiel, à un amour difficile sujet au regard des autres cristallisant leurs différences sociales et culturelles, qui valent le détour. Ses revirements de cœur sont parfois un peu abrupts, conditionnés par la seule intervention d'un personnage secondaire qui tombe à point, mais la toile de fond revêt tout de même les apparats de la démarche sincère dans sa sensibilité.
Breezy questionne quelque part les choix de l'existence, l'illumination soudaine d'un quotidien morose et la réaction à y apporter. Kay Lenz, il faut quand même l'avouer, excelle dans son rôle d'étincelle amoureuse qui met le feu aux poudres endormies. Elle fait craqueler la carapace de l'homme bien plus âgé qu'elle, elle le sort de sa résignation presque léthargique. De son côté, Eastwood réussit quelques très belles scènes, comme celle (un peu attendue, de par le choix du cadre; mais qu'importe) où Holden se tient dos à une zone peu éclairée et où l'on voit des mains féminines sortir de l'ombre pour caresser son torse, ou encore celle où ils se font face, longuement, tout en se déshabillant.
C'était un sujet très délicat, sur le terrain partagé de la romance et de la vieillesse, et s'il n'est pas exempt de défauts ou de maladresses éparses, le film parvient à éviter les poncifs et les clichés du mélodrame typiquement américain. La mièvrerie est toujours tenue à bonne distance, conférant à la romance une certaine force. Le regard d'Eastwood est tendre, très pudique, et il examine avec une étonnante délicatesse le poids des conventions sociales sur la solitude endurcie d'un homme dont la carapace venait d'être brisée.
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