Le Livre de Kells existe vraiment et vous pouvez le voir au Trinity College à Dublin. Il est même recommandé d’y retourner régulièrement puisque, protégé par une vitre, il n’est possible de ne voir que deux pages souvent tournées. « Leabhar Cheanannais » en gaélique est un ouvrage illustré et doté de nombreuses enluminures commencé … au 6e siècle. Il est considéré comme un des plus beaux manuscripts ayant survécu au Moyen Age, si ce n’est le plus beau livre issu de cette période.
Il tient son nom de l’abbaye de Kells où il a été conservé pendant de longues années mais, contenant différents manuscripts, son origine est incertaine. L’abbaye elle-même a été fondée par des moines venant de l’ile écossaise d’Iona, qu’ils quittèrent suite à des invasions vikings. S’il est difficile de le dater précisément, ce dont on est sûr, c’est que Saint Colomban -un moine irlandais mort en 615- y a fortement contribué.

C’est sur ses faits historiques qu’est basée l’histoire de Brendan et le Secret de Kells, sublime conte dans lequel Tomm Moore donne sa propre version de l’histoire.

L’histoire commence donc tout naturellement à Kells, en Irlande. Autour de l’abbaye, des moines travaillent à la construction d’un mur devant empêcher les invasions vikings. Leur quotidien, et en particulier celui du jeune Brendan qui s’intéresse aux enluminures, va être perturbé par l’arrivée d’un moine venu de l’Ile d’Iona. Il a fuit les Vikings et vient chercher refuge. Il amène avec lui un chat mais aussi, et surtout, le livre d’Iona commencé d’être illustré par le plus célèbre des enlumineurs : Saint Colomban.

Comme vous le voyez, Tomm Moore choisit de reprendre des faits pour les arranger et en faire son histoire. L’histoire, il cherche à la rendre universelle. Certes, nous sommes en Irlande et de nombreux éléments l’attestent mais la présence de moines d’origines très différentes (un Africain, un Asiatique…) laissent penser que l’auteur a voulu son histoire accessible à tous, d’autant que l’argument religieux n’est pas (ou très peu) mis en avant. Pas question de faire une leçon de catéchisme. C’est bien la survie d’un peuple face à une invasion et l’importance des livres et la transmission du savoir qui est mis en avant.

Au cœur de cette histoire, Brendan va braver de nombreux dangers pour pouvoir enfin espérer travailler sur le livre d’Iona. Il pourra contenter sur Ashlin, une jeune fille vivant dans la forêt et bien mystérieuse. Est-elle un esprit ? Ou quelque chose d’autre ? Le fait qu’elle commande à des loups n’est pas sans rappeler Princesse Mononoke. De la même manière, la présence d’un chat blanc, Pangur Ban (qui tient son nom d’un poème gaélique du 9e siècle), véritable personnage à part entière, rappelle Kiki la Petite Sorcière aussi de Hayao Miyazaki.

Sublimée par une musique de haut vol issue d’une collaboration entre Bruno Coulais et le groupe Kila, les images de Brendan et le Secret de Kells sont de toutes beauté. Véritable travail d’orfèvre, la réalisation n’est pas sans rappeler les enluminures du livre qu’elle évoque. L’animation traditionnelle fourmille de détails et les décors d’Adrien Mérigeau sont remarquables. Si vous pouvez trouver que le rythme du film est un peu lent, vous en prendrez quand même plein les yeux. Si des studios comme Disney ou Dreamworks sont de grosses machines industrielles, le boulot fourni par Tomm Moore et les équipes de Cartoon Saloon est de l’artisanat.

Peut-être un peu effrayant pour les plus jeunes (les vikings tout comme les loups sont dépeints en noir et rouge et un peu effrayant), Brendan et le Secret de Kells est un bijou d’animation comme il est rare d’en découvrir. Et quand le film s’achève, on n’a qu’une hâte : découvrir les prochains projets de Tomm Moore. Ou partir en Irlande.
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le 12 août 2013

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