Avec That Cold Day in the Park, Le Privé et surtout Trois Femmes, Brewster McCloud entérine l'attrait de Robert Altman pour l'étrange et parachève un portrait très singulier de l'auteur, dans un style décidément très éloigné de tout ce que ses grands "classiques" pouvaient laisser entrevoir. Le film choral auquel on l'associe souvent par conditionnement pavlovien pointe le bout de son nez, à travers la profusion de personnages secondaires aux rôles soignés et importants, mais c'est bien le côté bizarre et déglingué qui prend le dessus, rapidement, dans ce tableau aviaire.
Après avoir parcouru dans les grandes lignes la filmographie d'Altman, on dispose de sérieux arguments pour ne pas ou plus être surpris que l'enquête policière annoncée en introduction prenne aussi peu d'importance, au profit, au hasard, de séquences instructives en termes d'ornithologie. L'enquête en elle-même est pourtant amorcée, bien au-delà de la simple évocation superficielle, mais cette voie-là ne serait jamais qu'un cul-de-sac scénaristique. C'est certainement le film le plus sarcastique et le plus poético-cinglé de son auteur, au ton solidement affiché dans ses premiers moments pour marquer les esprits : on retiendra notamment le massacre de "The Star-Spangled Banner" par une mamie chanteuse irascible, une drôle de caricature de Steve McQueen ou encore des assassinats marqués du sceau de la fiente.
Brewster McCloud pourrait ainsi se résumer à une succession de meurtres mystérieux, rythmant la construction par le protagoniste éponyme d'ailes d'oiseau mécaniques. Un symbole d'aspiration à l'émancipation un peu trop appuyé par moments. Bud Cort confère au personnage une drôle de personnalité, avec son visage poupin et son regard ahuri — il formera le temps de quelques scènes un couple magique aux côtés de Shelley Duvall (et son maquillage si particulier, rappelant celui de la chanteuse de The Jackets), avec par exemple une course-poursuite rocambolesque et mémorable. Son attitude de rêveur pas franchement contextualisée appuie encore davantage le ton décalé du film, qui emmêle dans cette optique une quantité hallucinante de fils narratifs relativement farfelus. Le final sera presque décevant dans le registre du "tout ça pour ça", mais force est de constater que les propositions de cinéma de ce style (du cocasse surréaliste à demi-sérieux) et de cette ampleur ne courent pas les rues.
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