Brick Bang - Rian Johnson s'amuse des normes du Film Noir
Brick est un film sur des lycéens qui, ne trouvant rien de mieux à faire, s'affrontent au cours d'une lutte qui va devenir particulièrement meurtrière.
Le héros est interprété par Joseph Gordon-Lewitt. Il est en marge des groupes et des autres en général. Il crache sur les règles et sur les occupations habituelles des jeunes. Brendan est atypique par son physique dégingandé de jeune homme à lunettes qui se questionne sur tout. Ce qui est intéressant est le fait que le personnage principal ne joue pas sur la popularité habituelle du héros de base. Il évolue seul, à la manière des héros de film noir. Brendan pourrait très bien en faire partie d'ailleurs. Il s’intéresse à ce qui ne le regarde pas. Il est ambigu et ne parle pas beaucoup. Il s'occupe, de toute évidence, de la seule manière qui convienne dans cette ville, c'est-à-dire, en recherchant les trafiquants de drogue et retrouver celle qu'il aime. On est directement pris par la violence des faits en particulier par la place de la caméra. La première rencontre entre Brendan et Tug est particulièrement violente puisque frontale de bout en bout. La violence est directe à la caméra. On a l'impression d'une empreinte de la réalité. Il n’y a pas de faux semblants et c’est ce qui rend passionnant le film. On y croit. On est dedans. Même si le scénario est, malgré tout, très particulier : un lycéen mène l’enquête pour retrouver le meurtrier de la jeune femme qu’il aime. Rian Johnson ancre son film dans une réalité très éloignée des films noirs. Il joue formellement avec nos habitudes de spectateur. Et c'est assez agréable de se laisser se perdre. On découvre Gordon-Lewitt dans un de ses premiers rôles. C’est aussi ce qui fait beaucoup de l’attrait du film, je pense. Il a une retenue incroyable et une assurance qui contraste avec l'absurdité de toute cette violence.
Dans la mise en scène de Brick, Rian Johnson prend le contre-pied du film noir. On peut y retrouver Hitchcock (scène de l'attaque de l'avion dans La mort aux trousses). Il place ses personnages dans une ambiance contraire aux habitudes du genre. Pour les rencontres importantes, il va préférer les grands espaces (terrains de rugby, parking) aux ruelles sombres et glauques. La mise en scène ne se laisse jamais gagner par la facilité. On se sent perdu parce que l’ambiguïté des personnages est telle qu'on ne connaîtra les véritables données qu'à la fin de l'histoire. On est désorienté. On se perd. On ne comprend pas où le cinéaste veut en venir. Mais on a confiance. Parce que le héros nous ressemble ou parce qu’on aimerait lui ressembler plus. Il joue sur les clichés des personnages secondaires de films noirs. On a une femme fatale pour qui le héros se bat. Un mafieux à la tête d’une petite entreprise de briques de drogue. Des sous fifres apparemment dédiés au boss. Un meurtre. Et surtout un héros solitaire, incompris, mais qui, néanmoins, possède un ami fidèle sur qui il est sur de pouvoir compter. On remarque que Brendan ne quitte jamais son manteau, de la même manière que Bogart n'enlevait jamais son Borsalino. Il est courageux et ne quitterait pour rien au monde son but des yeux. Ce sont des symboles comme ceux-ci qui peuvent exprimer toute l’ambiguïté du film.
Le personnage est révélateur du genre scénaristique du film, mais pas le film. Il reste en soi un contre exemple du film noir par excellence. Rian Johnson fait beaucoup de contre plongées et de plongées. Les mouvements de caméra, les échelles de plans sont très variés. On ne peut pas s’empêcher de remarquer cette distanciation que produit le film. Brick choque par sa violence, par son propos, par ses personnages, mais aussi par sa forme. En tant que spectateur, nous ne sommes pas habitués à voir des contre plongées faites pour humilier davantage encore le personnage qui la subit. C'est une forme qui remue cinématographiquement le spectateur. De la même manière, le titre du film est aussi direct que la forme. Les briques sont les paquets de drogue que the Pine revend. Dès le titre on a le problème principal qui est évoqué.
L'histoire rebondit également, sans arrêt. On n'a pas de repos ou de moments où absolument rien ne se passe. Quand il y a du silence, c'est une préparation pour un face-à-face à venir. Tout le film est tendu, et c'est le souvenir que j'en garde : j'étais stressée et mal à l'aise pendant le visionnage. Voir une telle histoire sur un écran pose beaucoup de questions. Pourquoi représenter des jeunes gens, victimes ou auteurs, de tant de violence ? Ce titre dit beaucoup de la société des années 2000. Il exprime avec une grande violence le malaise et la perdition des jeunes générations.
Ce film dérange énormément, et repousse les limites du film noir en chamboulant ses normes. C'est un film atypique et très créatif. Rian Johnson démarre fort une filmographie qui sera particulièrement intéressante, jusqu'à Looper qui étonne également beaucoup.
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