Lvovsky est poignante dans le rôle de Camille, et s'impose comme une cinéaste à poigne !
Camille redouble, c'est l'histoire d'une quadragénaire jouée par Noémie Lvovsky qui, à la suite d'un malaise, s'évanouit, et se réveille à seize ans. Ayant la chance de revivre ses jeunes années, la question va être de savoir si, oui ou non, elle répétera les mêmes erreurs.
Grâce aux répliques cinglantes que s'échangent les comédiens, on rentre directement dans le film et l'action. La première séquence déborde d'énergie, de couleurs vives, de gestes violents et de rapidité de montage qui fera écho à la mise en scène des années 80. Les plans deviennent fixes, et plus longs : Lvovsky marche sous un Paris enneigé de Noël, lentement, calmement. La beauté de certains plans nous impressionne par leur justesse. Il n'y a pas de pathos ! Et c'est entre autre ce qui fait le charme de ce film. Lvovsky ne fait pas une ode aux années 80, elle laisse parler son monde d'adolescente avec le recul dont elle fait désormais preuve. Elle réalise que revivre sa vie n'est pas chose aisée, et que cela prend du temps, d'être de nouveau confronter à des choix qui en font apparaître d'autres. Ces difficultés sont mises en avant quand on voit que les adolescents Camille et Éric sont joués respectivement par Lvovsky et Guesmi. Ce choix particulier souligne une réflexion sur le(s) temps du film que le personnage de l'horloger, immortel Jean-Pierre Léaud, relie. Quelle valeur donne-t-on au temps quand on peut jouer avec ?
Néanmoins, Lvovsky s'amuse et se prend à son jeu. La bande sonore participe à l'euphorie de l'histoire : on revit les 80s avec les Shins ou Bananarama d'une façon peu banale. On a l'impression de voler de nouveau quelques morceaux de temps à cette époque perdue. On retrouve les rires et les pleurs des quatre adolescentes de La vie ne me fait pas peur dans les quatre personnages féminins de Camille redouble : l'insouciance, la folie, la naissance de la féminité et leur façon de l'aborder. C'est nostalgique mais jamais ridicule grâce notamment au jeu de Lvovsky, mais aussi et surtout grâce à celui de Yolande Moreau, en maman désabusée par sa fille. Les séquences s'enchaînent et on ne voit pas passer le temps. Camille redouble est décidément une réussite que ce soit sur le plan technique (la mise en scène est simple, épurée, cohérente et sans prétention), que créatif (l'histoire est drôle, touchante et triste, comme la vie finalement). Une des plus belles idées du film reste le moment où Lvovsky, après avoir confié qu'elle regrettait éperdument que sa fille n'ait pas connu sa grand-mère, enregistre avec un dictaphone la voix de sa mère. On devient soudain le témoin de cette relique qui contient - enfin ! - LA voix.