Brick, c'est quoi au juste ? Ce sont des lycéens, prétendant jouer aux adultes, prétendant jouer dans un film noir
Scène d'ouverture du film : un jeune homme s’accroupit à côté d’un ruisseau, la tête entre les mains. Que regarde-t-il ? Le corps d’une jeune femme, gisant là à moitié dans l'eau. Ensuite un flashback, nous remontons deux jours avant la découverte du corps, pour suivre Brendan (Joseph Gordon-Levitt), un lycéen intelligent, mais las et cynique, à l'écart et pas très à l'aise socialement ... s'ouvrir aux autres, ce n'est manifestement pas son fort. Nous apprenons très vite qu'il a eu le cœur brisé deux mois auparavant, lorsqu'il s'est fait largué par sa petite amie Emily (Emilie DeRavin). C'est alors qu'Emily refait surface dans sa vie, à travers un bref appel téléphonique. Elle est apeurée et n'arrive pas à s'exprimer de façon cohérente, ce qui incite Brendan à se lancer à sa recherche.
Brendan est un jeune lycéen, mais il agit et il parle comme si on était dans un film noir des années 40/50. Tout comme Humphrey Bogart dans Le Faucon maltais ou dans Le Grand Sommeil, il mène l'enquête à sa façon, en bousculant les choses. C'est ce dur à cuire, qui secoue l’arbre jusqu’à obtenir des réponses. Brendan est donc l'antihéros du film noir, un personnage à la fois cynique et romantique, las et désabusé, obstiné et machiavélique, côtoyant la pègre locale, mais conservant son intégrité morale et ayant un code de conduite dont il ne déviera jamais.
Brendan mène donc l'enquête, ce qui le mène à Laura Dannon (Nora Zehetner), une cheville ouvrière de la pègre locale, menée par The Pin (Lukas Haas). Laura est la femme fatale dont il va donc falloir se méfier et The Pin est l'homme qu'il va falloir coincer. Malmené physiquement et émotionnellement, Brendan parvient quand même à garder son sang-froid pour arriver à ses fins, c'est à dire obtenir justice pour la fille qu’il aimait.
Rian Johnson porte ici la double casquette de réalisateur et scénariste. Avec Brick, son but c'est de rendre hommage aux grands classiques du film noir. Pour cela, il situe l’histoire au lycée, ce qui lui permet d’utiliser les codes du film noir, sans paraître redondant. Nous avons la femme fatale séductrice, mais aux motifs ambigus, une vamp dangereuse, un chef du crime et son bras droit ... et même un directeur adjoint du lycée, qui dans ce monde fictif, remplit la fonction du capitaine de police. Et bien sûr, nous avons Brendan, le détective privé solitaire aux méthodes peu orthodoxes, qui essaie de naviguer dans tout ça sans se faire corrompre.
Le langage, c'est à la fois la force et la faiblesse du film. Rian Johnson s’est fortement inspiré des romans de Dashiell Hammet, plusieurs fois adaptés au cinéma dans les années 30/40 et à l'origine des premiers films noirs. Brendan c'est Sam Spade, ce détective privé plusieurs fois interprété à l'écran, notamment par Humphrey Bogart dans Le Faucon maltais. Ce style emprunté des années 40, imprègne les dialogues et autant vous le dire tout de suite, ces jeunes hommes ne parlent pas comme des lycéens.
Le langage c'est la force de Brick, car bien que l'enquête ne soit pas très originale, on retrouve des personnages extrêmement cools et une ambiance très stylisée. C’est une excellente façon de faire du neuf avec du vieux et ça tire parti de notre fascination pour les films noirs. De plus, les références à Humphrey Bogart ne manquent pas et le jargon bogartesque est divertissant.
Le langage c'est donc ce qui fait la force du film, mais c'est aussi ce qui fait sa faiblesse, car ça met à rude épreuve notre suspension d'incrédulité. Tout ce jargon, ça détourne parfois notre attention et c'est alors difficile de suivre l'histoire. En outre, ce style linguistique peut tout simplement être déroutant, voire rebutant, pour des spectateurs qui ne sont pas familiers avec ce genre de film des années 40.
Il faut néanmoins applaudir la tentative de remettre au goût du jour les grands classiques des année 30/40. Tous les codes et tous les personnages du film noir sont là. Joseph Gordon-Levitt en particulier, mérite toutes les louanges pour sa performance. Il apparaît dans chaque scène du film, caractérisant le meilleur d'Humphrey Bogart.