James (Kyle Mooney) est probablement le fils qui ferait peur à tous les parents : vingt-cinq ans et vivant reclus chez eux à regarder en boucle les vieilles VHS des aventures de Brigsby Bear, une émission éducative pour enfants où un ours parlant et ses deux amies jumelles combattent un méchant faux soleil à l'aide de cristaux et de sorciers.
Sauf qu'il y a une bonne raison à ce mode de vie : l'air à l'extérieur de la maison est contaminé par un mystérieux virus, empêchant toute exposition prolongée, seul le père (Mark Hamill) part travailler avec un masque à gaz laissant James et sa mère vaquer à leurs occupations...
Mais, suite à un twist, on découvre que tout ceci n'était qu'un énorme mensonge et James se retrouve soudainement à découvrir un monde extérieur dont il n'avait aucune idée de l'existence. Surtout un monde où "Brigbsy Bear", son seul échappatoire pendant plus de vingt ans d'autarcie, n'existe pas...
Kyle Mooney, Dave McCary et Kevin Costello ont grandi ensemble en réalisant leurs premiers courts-métrages dès l'adolescence. Fasciné par les vieilles émissions pour enfants des années 80, Mooney a co-écrit avec Costello (McCary réalise) le scénario de "Brigsby Bear" qui conjugue sa curieuse passion et la nostalgie de toute une époque où il bricolait des films avec ses deux meilleurs potes.
Évacuons tout de suite le défaut principal de "Brigsby Bear" : le film n'est pas aussi fou que sa bande-annonce le laissait entendre. Celle-ci misait en effet énormément sur les vidéos cheap de l'émission de l'ourson et nous promettait peut-être un grand moment de film artisanal et imaginatif. Bizarrement, malgré son pitch, "Brigbsy Bear" va avoir finalement une construction de feel-good movie assez classique et faire parfois un peu trop de détours dans la zone de confort cotonneuse des bons sentiments.
Heureusement, le film a l'excellente idée de se centrer avant tout sur la nécessité de James de tourner un ultime épisode de "Brigsby Bear", conclusion symbolique de cette période de sa vie d'isolement (dont l'élimination du faux soleil est le point d'orgue) afin de tourner la page. L'obstination de James pour cette réalisation que ses "nouveaux" proches ne comprennent d'abord bien sûr pas nous attache d'emblée à ce personnage lunaire auquel on tente un peu trop vite d'inculquer la réalité de notre monde sans tenir compte de celui dans lequel il a vécu de nombreuses années.
Si, peu à peu, il se met à s'adapter à son entourage, c'est aussi avant tout grâce au préceptes de l'ours Brigsby. Le voir réclamer un câlin comme récompense à un échange qu'il juge correspondre à la morale mièvre de cet univers ou demander s'il doit épouser une fille à la suite d'un début de relation physique a quelque chose de franchement désarmant. C'est d'ailleurs ce comportement naïf qui, à rebours de toutes les nouveautés qu'on tente de lui apprendre, va contaminer tout son entourage et, par la même occasion, nous, spectateurs. Il sera bien difficile de ne pas être emporté par cette aventure cinématographique et tout simplement plus humaine que nous autres dans laquelle se lance James grâce son irrésistible empathie qui transparaît au-delà même de l'écran.
Les impressionnants seconds rôles sont aussi un facteur important de la réussite de "Brigsby Bear" : Greg Kinnear, exceptionnel, a décidé de voler la vedette à tout le monde à chacune de ses scènes, Mark Hamill est un choix plus que judicieux, le cercle familial composé par Matt Walsh, Michaela Watkins et Ryan Simpkins apporte une bonne dynamique de normalité face à James, la scène de Kate Lyn Sheil en serveuse est un des plus beaux pics d'émotion du film, seule peut-être Claire Danes aurait mérité mieux que ce simple rôle de psychiatre.
Un poil moins déjanté qu'on ne l'avait imaginé, "Brigsby Bear" n'en reste pas moins un film de doux rêveur qui lutte envers et contre tous pour le rester encore un peu, comment ne pas dès lors s'y s'attacher ? Brigsby nous aurait sans doute fait un câlin pour avoir écrit ça.