Gardez-vous des faux prophètes...

BRIMSTONE (16,8) (Martin Koolhoven, HOL/FRA, 2017, 145min) :


Ce western féroce diabolique nous entraîne au XIXème siècle dans l’Ouest américain pour nous narrer le destin de Liz, une jeune femme vivant paisiblement avec sa famille jusqu’au jour où un nouveau prêcheur débarque dans la région.


Martin Koolhoven réalisateur néerlandais quasiment inconnu dans notre hexagone débarque sur nos écrans avec Brimstone, un projet ambitieux présenté avec un certain frémissement critique à la Mostra de Venise 2016.


Au début il était une voix…En off une voix de femme accompagne la première scène au bord d’un lac. L’association des deux émane un certain mystère quant à la compréhension immédiate de la situation. Un avant-propos interrompu par l’intertitre « Révélation » en guise de présentation de chapitre augurant d’un récit sous l’autel de la bible. Confirmation avec les titres des trois chapitres suivant, structurant le récit de manière judicieusement non chronologique. Ce récit non linéaire composé de chapitres flashback et flashforward apporte une dimension supplémentaire à l’intrigue qui ne manque pas de puissance.


Le réalisateur ambitionne de revisiter le mythe américain, la naissance d’une nation ou la religion et la violence sont fondatrices de ces états se sont construits dans le sang. Du sang et des lames. La mise en scène tranche le récit en découpant les codes du genre. On navigue au milieu de l’horreur, du survival, du gore et du thriller lors de ces quatre chapitres où les décors naturels sont distincts. De manière frontale et à travers les yeux de Liz, maman muette et sage-femme de campagne, l’auteur nous convie à un voyage au bout de l’enfer ou la porte du paradis est définitivement maudite.


Une odyssée lugubre historique aux résonnances modernes, dont la mise en scène à la beauté terrifiante ébahie. Le cinéaste a du savoir-faire, et il le sait, pas un plan du film n’est pas ultra léché, stylisé ou cadré, certains pourront parler de mise en scène de l’emphase ou tape à l’œil mais il en résulte des plans absolument époustouflants, des tableaux esthétiques monumentaux. Des mouvements de caméra brillants, fluides souvent lents, des plans vus d’en haut touchés par la grâce et qui nous en mettent pleins les yeux. Tourné en Europe au milieu de décors naturels sidérants de beauté où la nature fait corps avec l’histoire, les paysages et la photographie sont somptueux.


Une prouesse visuelle au service d'une histoire sans nuance, où les personnages sont cloisonnés, enfermés dans leur spirale, à rebours, où une véritable traque s’installe mettant en lumière le combat d’une jeune femme pour reprendre le pouvoir de sa vie. Une œuvre violente particulièrement féministe plongée dans le contexte de l’immigration hollandaise. Un récit politique d’émancipation et d’échappatoire au tragique traitement réservé aux femmes. Une violence traitée avec précision, sans filtre, reflétant une funeste réalité, qui peut gêner les « pudeurs de gazelle » et faire pousser des cris d’orfraie quelques misérables vivant dans leur tour d’ivoire sans rien voir de la violence encore actuelle, dont les femmes sont bien souvent victimes. Chaque chapitre parfaitement calibré impressionne et dévoile une histoire où le suspense et l’angoisse se mêlent crescendo.


Ce conte horrifique cru s’appuie sur un casting étourdissant où l’impeccable Dakota Fanning trouve enfin le grand rôle à sa mesure et porte le film à bout de bras vers sa quête de liberté, poursuivi par le psychopathe et étonnant Guy Pearce, un révérend hallucinant dans la perversité et la cruauté (lointain cousin de Robert Mitchum alias Harry Powell dans La nuit du chasseur de Charles Laughton en 1955). Sans oublier une apparition convaincante du charismatique Kit Harington et la prometteuse Emilia Jones. La musique élégiaque du compositeur Tom Holkenborg (Junkie XL), parfois accompagnée de chœur, donne un aspect solennel et lyrique qui glace le sang à mesure que l’âme humaine s’enfonce dans les ténèbres.


Un film crépusculaire saisissant dont l’empreinte européen du genre se ressent, et l’on retrouve l’essence de Sergio Corbucci ou de Sergio Léone et l’influence des nouveaux westerns comme The Dark Valley (2014) ou plus récemment l’excellent Bone Tomahawk de S. Craig Zahler sorti en 2015.


Venez découvrir cette ode brutale pour la liberté féminine, véritable pamphlet dénonçant la perverse domination masculine et religieuse, envers les femmes au cœur de l’inattendu Brimstone. Sauvage, glaçant, puissant et fascinant.

seb2046
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le 22 mars 2017

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