Encore inconnu dans nos contrées sauvages malgré une carrière déjà prolifique, au cinéma et à la télévision, dans son pays qui est le sien (les Pays-Bas), Martin Koolhoven a droit aujourd’hui aux honneurs d’une sortie en France (et même une sélection à la dernière Mostra de Venise) avec ce Brimstone mastoc et imparfait. Histoire d’une fuite perpétuelle jusqu’à son dénouement cathartique, le film déroule, sur une quinzaine d’années, le destin de Liz/Joanna aux prises avec un prêcheur psychopathe qui a fait des Saintes Écritures un manifeste pour l’Enfer. De l’enfance à l’âge adulte, Liz/Joanna devra, constamment, affronter et échapper à son âme damnée, vouée uniquement à sa perte et à celle des siens.
Les enjeux du film sont donc de comprendre les raisons d’un tel acharnement et d’envisager une possible résolution (qui égalerait, de fait, tant de haine et de violences déployées) tout en revisitant, à la sauce grand Ouest, le conte pour enfants et ses motifs sous-jacents (figure parentale cruelle et incestueuse, sexualité naissante, innocence malmenée…). Le problème de Brimstone, au-delà de ses qualités esthétiques (magnifique photographie de Rogier Stoffers) et de son ambition à vouloir raviver les vieux ors du far west (on pense au récent Bone tomahawk, nettement plus convaincant), c’est que l’on sent Koolhoven prêt à tout pour être pris au sérieux.
Pour ça, il fait de son film un western forcément crépusculaire de 2h30 (ça intimide, ça en impose) découpé en quatre chapitres à la chronologie chamboulée, histoire de distiller indices et révélations façon puzzle à réagencer (mais le procédé, maintes et maintes fois utilisé, est devenu comme un lieu commun, une épate pour faire genre), et aux titres d’inspiration biblique un rien ostentatoire (exode, genèse…). Et ce sérieux donc, ce sérieux jamais loin d’une prétention qui cacherait (mal) une envie de reconnaissance absolue, finit logiquement par desservir le film à force de posture, d’étalage et presque d’arrogance.
Le scénario, abordant les thèmes du fanatisme religieux le plus radical et de la place de la femme dans un monde d’hommes qui n’est pas fait pour elle, aurait pu consentir à plus de substance et plus de subtilité, même sous influence fantasmagorique (le conte). Mais Koolhoven le charge jusqu’à le faire ressembler à une parodie de réquisitoire contre l’injustice, à l’image du personnage de Guy Pearce, inquiétant et nébuleux au début, puis se métamorphosant peu à peu en une sorte de croquemitaine (le conte, encore) ridicule, à la limite du démon increvable et grimaçant auquel on finit par ne plus croire, par ne plus redouter ; et la confrontation finale, négligeable par rapport à ce que l’on pouvait espérer après une telle sauvagerie, vient d’ailleurs confirmer cette impression de rudesse égarée en route, et cette impression aussi, elle plus générale, d’un incontestable gâchis.
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