Portrait désenchanté d'un pâté de maisons et formidable inéluctabilité des événements
Broken est pour l'instant mon énorme coup de cœur de l'année.
C'est simple, je n'ai pas souvenir d'être sorti d'une salle de cinéma aussi enthousiasmé par un film que ce que je l'ai été après celui là.
S'intéressant à l'écosystème d'un voisinage, Broken dépeint une fresque réaliste et cynique à travers les yeux d'une enfant d'une dizaine d'années. Pas de blablas ou de présentations interminables: le film commence directement au plein cœur de l'action, avec l'élément déclencheur de toute l'histoire.
Je ne vous en dirai pas plus concernant l'intrigue, car j'y suis allé sans savoir du tout à quoi m'attendre, et je n'ai pas regretté. Même s'il paraît que la bande annonce dévoile au final bien peu de l'intrigue... et c'est tant mieux !
J'y suis allé sans savoir de quoi ça parlait, et sans avoir vu l'affiche. J'ai donc été surpris de croiser Tim Roth, qui pour moi était fortement associé au personnage de Cal Lightman (Lie To Me). Au début, j'ai pensé que cela serait gênant (on ne suit pas 3 saisons d'une série sans associer l'acteur principal à son personnage), mais au final, on oublie vite ce petit détail tant le film est prenant, et l'acteur s'investit dans son personnage (bien plus "humain" que l'est Cal Lightman).
Mais la vraie révélation du film, c'est la gamine. Son personnage est absolument parfait. Intelligente, réfléchie, calme, elle est en proie à toutes les peurs de l'enfance, et son regard est clairement teinté d'innocence, et pourtant elle est sans doute celle dont le comportement est le plus cartésien. Je ne sais pas, qui de l'actrice ou du personnage, a inspiré l'autre, mais le mélange fonctionne, et cette jeune collégienne devient très attachante presque immédiatement.
La force du film, selon moi, c'est de mélanger de choses bien distinctes. D'une part, l'innocence et les pitreries enfantines, qui ne manqueront sans doute pas de faire renaître une certaine nostalgie attendrie en chacun d'entre nous. Et d'autre part, la dureté du monde "des adultes", qui vient s’immiscer jusque dans les cours du collège, et l'inexorabilité de certains drames qui couvent. Cette dualité fonctionne à mon sens très bien, et permet d'avoir un point de vue assez cynique sur beaucoup de sujets, en entrecoupant ces événements très froids et mettant presque mal à l'aise avec des passages plus légers et drôles, maintenant ainsi un rythme soutenu dont on peut s'extraire (sans pour autant ce qu'il va arriver... car on sent rapidement que tout cela mène à quelque chose, mais sans savoir quoi ou comment).
Au delà même du rythme allant du film, le film est beau esthétiquement, et bien contruit. Les passages d'une scène à l'autre sont fluides et logiques, le travail du son est impressionnant (certains sons de certaines scènes se prolongeant sur les suivantes, mettant en avant cette idée de lien entre tout le monde), le film navigue entre divers artecfacts ou techniques (flashback, utilisation de sepia, traitement particulier de l'image, ...) sans jamais abuser de quoi que ce soit (Oui, Jeunet, c'est toi que je regarde, toi et tes filtres jaunes).
Il est à peu près impossible de sortir de la salle sans repenser au film. Sans décortiquer chaque action, chaque jalon du film. Et c'est formidable, car le film pose une tonne de question (sur la responsabilité de chacun, sur l'éducation, sur les relations humaines en général, ...) sans vraiment offrir de réponses, et en laissant chacun apprécier.
Bref, pour moi, c'est clairement un must see.