Chacun a son histoire, chacun a sa vie, chacun a son vécu, chacun a des raisons pour commettre un acte. Broken, c’est l’histoire de 3 familles qui partagent la même allée d’un lotissement du Nord de Londres. Il y a la famille Buckley maternant trop leur fils handicapé mental. Il y a la famille Oswald, un père veuf et ses 3 pestes de filles au langage fleuri et à la cruauté sans bornes. Enfin, il y a la famille Cunningham, la jeune et innocente Skunk, son père, son grand frère, sa nounou et l’ami de sa nounou.
Arrive le jour où le fils Buckley est accusé à tort de viol par l’une des jeunes filles de la maison d’à côté et c’est la rythmique de l’effet papillon qui s’enclenche. En suivant le récit à travers les yeux de la jeune Skunk, c’est tout le microcosme qui l’entoure que nous allons observer.
Le film brasse ainsi un nombre incroyable de thématiques : on y parle de l’âpreté de l’existence, du mensonge et de ses conséquences, des trajectoires prises pour combler un manque, des premiers émois amoureux et premières expériences sexuelles, des relations parents/enfants, de la maladie, de la mort. Un ambitieux programme que s’est imposé Rufus Norris, metteur en scène de théâtre et réalisateur de son premier film, sélectionné à la semaine de la critique du 64 ème festival de Cannes. Mais là où de nombreux films ont le don de nous plomber le moral en enquillant sans finesse une addition de tragédies, Broken reste, contrairement à son climat violent, un film rêveur et possédant une imagerie proche de l’onirisme.
Accompagné tout du long par la musique pop et ensoleillée d’Electric Wave Bureau, nouveau groupe du toujours aussi talentueux leader de Blur (Damon Albarn), le film est également porté par des acteurs à la justesse de tous les instants. Ainsi, on retrouve l‘épatant Tim Roth (Pulp Fiction, Reservoir Dogs, Lie to Me) dans un rôle de père aimant et compréhensif, Cillian Murphy (Batman Begins, Sunshine) en professeur ayant peur de s’engager dans sa relation amoureuse mais surtout l’interprète de la jeune Skunk, jouée par la révélation du film : Eloise Laurence, 12 ans, qui pour son premier rôle mêle simplicité et naturel malgré la complexité de son personnage.
Il est à noter le propos sentimentaliste trop appuyé de la dernière scène et qui perd malheureusement le film dans un pathos qu’il avait brillamment évité jusque-là. Il en reste que Broken est un film formidablement réussi qui nous raconte l’histoire d’un passage, celui de la jeune Skunk de l’enfance vers l’adolescence, ou plutôt le moment de la perte de l’innocence. Il semble si simple de faire un beau film.