Il y a plusieurs façons d’aborder un film, surtout lorsqu’on n’en connait à peu près rien, ni du pitch, ni de l’équipe aux commande. Avec l’envie d’en découdre, sur le mode jury de concours télé, « convaincs moi, sors du lot, montre-moi ce que t’as à vendre ». Ou avec une certaine bienveillance pour le petit anonyme qui aimerait se faire une modeste place à côté des plus grands que lui.
De la bienveillance, il en faut beaucoup pour ce téléfilm fauché : c’est sur ce premier aspect qu’on peut d’ailleurs fonder une certaine tolérance, tant sont criants les manques de moyens. Réduit la plupart du temps aux espaces clos, ne nous montrant d’un bateau qu’une barrière sur une mer numérique, Brooklyn passe son temps à bricoler ses scènes pour tenter de nous immerger dans cette reconstitution du New York des 50’s. Quelques semaines après Carol, la transition est forcément assez douloureuse.
Mais qu’importe, pense-t-on, puisque l’essentiel pourrait être ailleurs : dans cette destinée féminine déchirée entre le home Irlandais et le Nouveau Monde. Reconnaissons que Saoirse Ronan s’en sort plutôt bien, mais qu’elle n’est pas vraiment gâtée par la partition qu’on lui propose. Certes, ne pas tomber dans les travers d’une intrigue poussive au pathos alambiqué pourrait être mis au crédit du film : il ne s’agit après tout que d’une destinée comme tant d’autres, et de dilemme auquel a dû faire face toute la vague migratoire au XXème siècle. On a connu Nick Hornby autrement plus inspiré.
Mais tout est si vain, surligné par une musique particulièrement pénible, dénué d’enjeux ou de complexité, qu’on ne peut s’impliquer dans le film, ni s’accrocher au plaisir d’une reconstitution historique. La modestie des gens du peuple, la timidité d’un amour naissant, tout cela se travaille et s’épaissit d’une authenticité qui n’est pas donnée au premier venu.