Brotherhood
6.9
Brotherhood

Court-métrage de Meryam Joobeur (2018)

/SPOILERS/


Brotherhood relate les bouleversements occasionnés dans une famille rurale tunisienne par le retour du fils aîné, qui revient de Syrie accompagné de sa « femme », une fille de quatorze ans portant le voile intégral. Ce vêtement va à l’encontre des convictions du père de famille, qui ne se dérange pas pour le faire remarquer, et la marginalisation de la femme voilée qu’il tente d’opérer est subtilement symbolisée par la caméra. En effet, la réalisatrice a choisi des acteurs aux visages très singuliers, qu’il s’agisse de ceux des trois enfants couverts de tâches de rousseur ou de celui marqué par la vie et buriné du père, et en multiplie les beaux portraits en gros plan. Ainsi, lorsque vient le tour de la femme voilée d’être filmée de la même manière, son absence de visage, ou plutôt la limitation de celui-ci à ses yeux, devient criante et met en exergue sa différence avec les autres et par là son opposition avec le père et sa famille.
Cependant, le film ne va pas se limiter à la représentation du retour difficile d’un fils radicalisé dans sa maison, enjeu politique déjà intéressant, mais va nuancer intelligemment la situation. De fait, loin d’embrigader ses plus jeunes frères, l’aîné, qui a en réalité fuit Daesh après sa désillusion, leur fait jurer de ne jamais l’imiter, sans pour autant oser se désavouer devant son père. De plus, on apprend que la fille de quatorze ans, enceinte, ne porte pas le fils de l’aîné mais celui d’un combattant de Daesh a qui elle avait été donnée, et que l’aîné l’a recueillie durant sa fuite plutôt pour l’aider. Le tableau se complexifie donc, et la tension du drame familial se noue magistralement autour de l’aîné et de son père, le premier n’osant reconnaître son erreur devant la sévérité du second, ce qui convainc ce dernier que son fils est toujours un potentiel jihadiste, et ce malentendu aboutira à une fin tragique… J’ai d’ailleurs été impressionné par la capacité du film à construire en vingt minutes des personnages crédibles et épais, ainsi qu’un véritable engrenage dramatique convainquant. Un court-métrage très intéressant, très dense, très percutant.
clownatorus
8
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le 19 sept. 2020

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clownatorus

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