Bubu (pourquoi de Montparnasse? le lieu indéterminé et transposé du film est en Italie) est un sale type, un proxénète qui met sa fiancée Berthe sur le trottoir. Pourtant il n'est pas le personnage central, comme ne l'indique pas le titre du film de Bolognini. C'est sur Berthe (Ottavia Piccolo) que se porte l'attention du cinéaste, sur son amour indéfectible et irraisonné pour ce Bubu qui la maltraite, sur la maladie courante de la prostituée, sur sa relation avec un client différent.
Le sujet, issu d'un roman français réaliste, est un drame humain, celui d'une femme incapable de s'extirper de la misère et de l'indignité. Mais la réalisation esthétisante de Bolognini, son péché-mignon, est-elle la plus appropriée pour décrire le malheur de Berthe? Ses couleurs et ses costumes d'époque rutilants, sa fameuse photographie voilée et romantique et la préciosité du style ne sont-ils pas de nature à édulcorer la gravité du sujet et le contexte social?
C'est le cas, me semble-t-il, et les choix de réalisation du cinéaste tirent le film vers un romanesque trop lisse et versent les seconds rôles dans les stéréotypes de la prostitution. Seule la beauté diaphane et sensuelle d'Ottavia Piccolo m'a touché parce qu'elle stigmatise la grâce et la pureté bafouées, violées. L'ensemble reste assez superficiel parce qu'aucun personnage n'est vraiment approfondi, comme voué à illustrer une gravure d'époque.