Billy Brown écope de cinq ans de taule.
Ce sacrifice, il a du l'accepter pour éponger ses dettes de jeu, contractées auprès d'un bookmaker lors d'un pari foireux.
Sortie de cabane : fulgurante envie de compisser les plates-bandes pelliculaires d'une ville désaturée et granuleuse.
Alaas, toutes les portes lui sont fermées. Seule option pour se soulager : l'assassinat de l'ancien joueur des Buffalo, reconverti en souteneur obèse, qui en sabotant son match lui avait fait perdre 10.000 palots.
Billy Brown emprunte un quarter à Layla. Billy Brown kidnappe Layla.
Coup de téléphone : amour familial aux abonnés absents.
Présenter à ses parents cette fiancée improvisée lui permettrait d'avancer les pièces à conviction du copieux tissu de mensonges qu'il leur a servi depuis son incarcération.
Tous deux embarquent dans la Toyota de Layla : la Toyota de Layla est immatriculée Ozu.
Billy Brown a décidé : Layla s'appellera Wendy.
Les parents de Billy Brown - un chanteur impercé, une supportrice des Buffalos malade d'un enfant dont elle oublie encore le prénom - sont engoncés dans leurs propres dénis ; impossible pour eux, autour du dîner, de comprendre quelque mensonge que ce soit.
Quatre personnes autour d'une table carrée, pourtant le spectateur n'en voit jamais que trois : la technique de Gallo est immatriculée Ozu. Le positionnement de la caméra au niveau de l'oeil de la personne assise face aux acteurs (et donc manquante, aveugle et sourde) adapte la technique favorite du réalisateur japonais ; l'espace familial spirale : si les personnages s'asphyxient, les comédiens s'en donnent à coeur joie.
Billy Brown apprécie le bowling et les bains chauds.
Layla apprécie les claquettes et les fringues pailletées.
La lumière qui s'y réfléchit est jumelle de celle qui provient de ses yeux embués.
Layla ne pleure pas seule.
Billy Brown pleure : sa vie est un mensonge elliptique.
Gallo déroule son premier pas ; scènes virtuoses, constructions somptueuses, interminables de narcissisme et de morosité.
Le rythme, parfaitement maîtrisé, épouse le montage :
une mosaïque introductive permet un portrait exhaustif de Billy. Ni plus, ni moins.
Le réalisateur a parlé, le spectateur a saisi.
Les antagonistes profus, dont les actions ne sont mauvaises que parce qu'elles n'ont jamais pris en compte le héros désemparé, apparaissent comme autant d'outils qui lui permettent de tracer son chemin fictionnel. Leur nocivité est annulée par le glissement progressif du film dans un espace onirique qui supprime tout effet de réel.
Le spectateur faisait depuis le début face à un conte, une torture un peu mièvre qui traçait le destin croisé de deux personnages délicatement tragiques, condamnés à errer ensemble sur les bords d'un carrefour nocturne et doux-amer.
Les paillettes de Ricci - les bottines de Gallo
sur le Dancing-Bowling
hanteront, quelques nuits encore.