Billy possède tous les contrastes du désespéré : chien enragé un instant, et l'instant d'après plongé dans un profond mutisme. Il n'attend plus rien de la vie. En sortant de prison il n'a qu'un seul projet, ridicule : abattre le joueur de football qui lui a fait perdre un pari sportif. Faux voyou, véritable loser, lui qui n'a aucune place dans le monde, complètement inadapté, embarque dans son drôle de périple Layla, une jolie blonde qui a eu le malheur de croiser sa route. Le kidnapping sauvage, curieusement drôle malgré la violence du geste, se transforme petit à petit en rencontre atypique, ils se mettent à former un binôme échappant à tout cliché.
Dans son déploiement il rappelle l'étrange cavale de Kit et Holy dans La Balade sauvage (Terrence Malick, 1973). Mais si la poésie de Buffalo '66 est plus dissimulée, plus urbaniste, par des plans à l'ambiance lancinante, témoins de la morosité du personnage, c'est surtout dans les dialogues qu'il trouve toute son originalité. L'écriture est inventive, permettant aux comédiens d'exprimer tout leur talent : la douce folie de Billy d'un côté, la candeur surprenante de Layla de l'autre. L'alchimie entre les deux comédiens est immédiate, et on voit leur relation d'abord abusive et conflictuelle évoluer, le film se parant de plus en plus d'une véritable douceur, jusqu'au climax émotionnel dans une séquence intime parfaitement réussie.
Buffalo '66 aurait pu être un film agaçant, par rapport à l'entêtement stupide de son personnage et à ses comportements souvent antipathiques. Pourtant force est de constater que - pour ma part en tout cas - ça a été tout le contraire : j'ai été pris d'une affection totale, complètement plongé dans l'histoire de cet ange déchu. Encore une fois, la richesse des dialogues, la simplicité de la mise en scène et la beauté des images forment un tout d'une rare originalité. Un film sombre, drôle, émouvant, qui incarne magnifiquement la pluralité complexe de son personnage et qui délivre un message lumineux, plein d'espoir.