Un road-movie sans mouvement
Buffalo, Etat de New York. Un gars sort de prison, emmène de force une fille qui fait un peu dinde dans sa bagnole et lui demande de jouer le rôle de sa fiancée devant ses parents. La fille se prend au jeu, mais lui reste glacial, ne cesse de l'engueuler. Il a une idée derrière la tête : ayant plongé pour une histoire de pari suite à la défaite de l'équipe de Buffalo, il veut retrouver le bookmaker derrière tout ça. Mais au fil des péripéties, il va renoncer à son projet et dire oui à l'amour.
Un fort beau casting pour ce film qui se veut avant tout ancré dans une ville, la ville natale de Vincent Gallo. Angelica Huston et Ben Gazzara, comme parents, Cristina Ricci comme copine, Mickey Rourke vieillissant comme antagoniste : il y a pire. Ricci fait très bien la dinde et est fort émouvante en fille boulotte qui essaie d'être gentille et se fait continuellement rembarrer. Gallo a ici quelque chose de christique, avec sa dégaine efflanquée, son slim, ses cheveux gras, son air souffrant, hypocondriaque.
Le film est un peu décousu, mais contient des passages mémorables :
- Cristina Ricci faisant des claquettes sur "Moonchild" de King Crimson.
- Un passage dans un bowling que les fans du grand Lebowski apprécieront.
- Une séance de photomaton amusante.
- Un repas de famille assez déprimant, filmé à la Ozu, qui n'est pas à mon avis le passage le plus mémorable du film.
- De jolis extérieurs de nuit de stations-service, parkins, motels, qui rappelleront les peintures de Hopper. Idem pour les intérieurs, avec des jeux sur les clair-obscurs raffinés.
- La scène d'amour la plus bizarre du monde, vue depuis le plafond, avec des fondus au noir bizarre. Gallo se moque du spectateur, en initiant le plan que le spectateur aimerait voir mais en le tirant vers autre chose. C'est assez bien fait.
- Rosanna Arquette en amie d'enfance lunatique, rencontrée avec son fiancé dans un café.
- Ben Gazzara chantant divinement du Sinatra.
- Ces plans de la scène de tuerie, où l'on voit la caméra panoter au ralenti autour des visages figés, avec de fausses giclées de sang à l'arrêt, avec des images fixes présentées comme un diaporama. Kitsch, mais c'est un an avant Matrix.
Je comprends que tout cela a un petit côté Sundance, "enculons des mouches". Mais je trouve qu'il y a des choses derrière ce film, au fond assez bien construit. Il y a d'abord la volonté de faire parcourir un lieu, Buffalo, à la caméra. Et une histoire sur un homme fragile qui apprend à accepter d'être aimé.
Ok, ce n'est pas le chef d'oeuvre qu'on a pu dire à sa sortie. Mais ça a quelque chose de frais.